La raison mène le monde ?
Qui est assez aveugle pour répondre à cette question ironique?
Il est vrai que nous sommes dirigés par un gouvernement qui pratique la rationalité naïve. La vision canadienne laisse entendre que l’homme est bon de nature. Il s’agit donc de croire que nos divergences portant sur la religion, le sexe, l’orientation sexuelle, la culture, l’histoire, la langue, les racines, la hiérarchie sociale sont secondaires. Par un phénomène d’homogénéisation, nous sommes tous semblables, égaux grâce à notre volonté et à des politiques qui sacralisent la diversité dans l’égalité absolue.
Justin Trudeau croit sincèrement que les Canadiens se définissent par quelques valeurs qui les unissent et par un passeport commun. Exit la nation, les peuples fondateurs, les minorités versus la majorité. Exit les rapports de domination et les conflits ethnoculturels. Les Canadiens seraient fondamentalement bons et réformables en cas de faiblesse ou d’errances criminelles.
TOUR DE BABEL
Contrairement à son père, le premier ministre Justin Trudeau n’a pas lu les philosophes des Lumières comme Diderot, Voltaire ou Helvétius, entre autres. Sinon, il comprendrait que gouverner exige de poser la prémisse du mal inscrite au coeur de la nature humaine. En croyant que l’homme est bon, qu’une société se définit comme un rassemblement de citoyens qui se livrent à une thérapie de groupe en permanence, dirigée par un politicien angélique, la société risque de devenir une tour de Babel.
On peut reprendre le titre de l’ouvrage de Kierkegaard, Crainte et tremblement, pour définir le climat planétaire actuel. Donald Trump fait la preuve que la raison ne domine pas l’homme. En voulant «régler le problème» avec la Corée du Nord, ce pays transformé en camp de concentration et dirigé par le délirant Kim JongUn, le président américain se rapproche chaque jour de l’apocalypse.
Trump, l’intuitif, ému par les «beaux bébés» tués en Syrie par des bombardements chimiques, a répliqué dans un geste irrationnel en bombardant le pays. Il a fait de même avec la «mère de toutes les bombes» larguée en Afghanistan sans l’autorisation de ses généraux à qui il avait préalablement donné carte blanche.
NARCISSISME MILITAIRE
Les électeurs américains qui ont appuyé Trump ont refusé de réfléchir à une simple donnée. Comment ce trublion milliardaire pourrait-il les représenter, eux, les parias de la classe moyenne en voie de déclassement? C’est à cause de Trump et de ses pulsions narcissiques militaires qu’on est en train d’assister à un glissement planétaire. Et toutes les puissances raisonnables du monde, la Chine et la Russie au premier chef, ont les yeux fixés sur la twittosphère, cette scène virtuelle où Trump nous annonce qu’il règle encore un problème, à savoir qu’il pousse vers l’abîme ceux qu’il considère comme ses ennemis et nous aussi par la même occasion.
L’angélisme, la rationalité naïve ou la diabolisation, toutes ces approches politiques, loin d’annoncer des avenirs ensoleillés, ouvrent la voie à des lendemains sombres, faits de confusion, de découragement, de cynisme, de haine et de sang.
Jamais le danger nucléaire n’a été si présent. Jamais la raison lucide n’a été aussi malmenée depuis 50 ans.