La fragilité du bonheur
Pascal Lortie avait 41 ans. Récemment séparé, il a appris au téléphone, de la voix de sa fille, qu’elle et ses deux frères venaient de trouver leur mère morte.
Bouleversé, il part réconforter ses enfants, roule trop vite et se tue. Seul quelqu’un avec un coeur de pierre va le blâmer.
Gravement blessée, la dame qu’il a percutée, qui roulait en sens contraire, a eu la grandeur d’âme de comprendre et, d’après ce qu’on en sait, de pardonner.
Souvenez-vous de Jean Lapierre, mort avec sa conjointe, sa soeur et ses deux frères alors qu’ils allaient retrouver leur mère aux funérailles de leur père.
Il est difficile d’imaginer une fin plus tragique que d’être fauché en allant soutenir des proches qui souffrent.
Peut-il y avoir plus puissante illustration du fait que la vie est fondamentalement absurde, complètement dépourvue de tout sens autre que celui que vous choisissez de lui donner?
C’est toujours ce qui nous rend le plus heureux qui cause notre plus grand malheur.
FAMILLE
C’est toujours ce qui nous rend le plus heureux qui cause notre plus grand malheur.
Dans mon cas, ce qui me rend le plus heureux, c’est de voir que mes enfants vont globalement bien et que mes rapports avec eux sont bons.
Ils sont donc aussi la cause première de mes angoisses. Quand ils quittent la maison, je dois me faire violence pour accepter de leur faire confiance.
Dimanche, on soupait, toute la famille, chez mes parents. Les trois générations étaient là. Tous étaient collés autour de la table.
Chacun racontait sa vie, ses projets, ses joies, ses doutes, le dernier film vu, le dernier livre lu, le prochain voyage.
On se demandait si les plus jeunes nous inventeraient une pièce de théâtre comme ils le font si souvent.
Rien d’extraordinaire, direz-vous, mais je repensais à cette infortunée famille Lortie.
Je réalisais que l’extraordinaire se trouve dans ces moments ordinaires dont on réalise subitement la fragilité.
Avec le temps, j’ai aussi fini par comprendre que le bonheur n’est jamais permanent.
Ce n’est pas non plus une recette que vous trouverez toute faite dans un livre de psychologie.
Il n’arrivera pas plus quand le monde autour de nous sera exactement comme nous le voudrions puisque ce moment n’arrivera jamais.
Il n’est pas non plus dans l’argent, le pouvoir ou la beauté, qui apportent, au mieux, de la fierté, ce qui n’est pas la même chose que le bonheur.
Le bonheur n’est pas dans la quête d’un autre désir à combler, d’accumuler encore plus, d’ordonner le monde selon nos convictions.
MOMENTS
Le bonheur est dans le fait de s’accepter tel qu’on est, ce qui suppose d’abord qu’on parte à la découverte de soi-même et qu’on finisse par se comprendre.
Il faut aussi savoir reconnaître et apprécier les petits bonheurs: un repas, une chanson.
Il est ensuite dans le fait de voir que ceux que nous aimons sont heureux eux aussi.
Serrons-les plus souvent dans nos bras au lieu de tenir leur présence pour acquise.