Affreux, sales et méchants
D’ici les prochains mois, le gouvernement Couillard entend mener une consultation sur le «racisme et la discrimination systémique». Dans un monde idéal, qu’on aime ou non le mot «systémique», il serait sûrement possible d’en débattre calmement.
Après tout, plusieurs sondages pancanadiens montrent que les mêmes préjugés, sans être dominants, existent à travers le pays. Depuis l’an dernier, l’ontario compte même son propre ministre délégué à l’action contre le racisme individuel, systémique et culturel.
Or, nous ne vivons pas dans un monde idéal. Encore moins lorsque, au Québec, le gouvernement n’est qu’à 18 mois d’une campagne électorale qui s’annonce déjà féroce. De fait, cette «consultation» aux allures inoffensives cache un attrape-nigaud partisan.
Passé maître dans l’art d’accuser ses adversaires péquistes et caquistes de «souffler sur les braises de l’intolérance», Philippe Couillard en profitera pour s’ériger à nouveau comme l’ultime gardien de l’ouverture sur le monde et d’un vivre ensemble harmonieux.
DERNIÈRE CHOSE
Une astuce d’autant plus évidente que le Parti québécois et la Coalition avenir Québec, tout comme L’ADQ avant elle, tendent aussi à verser dans la surenchère sur les questions dites identitaires. En d’autres termes, sur le plan strictement politique, cette «consultation» sent l’arnaque et la fausse représentation.
Après le défouloir de la commission Bouchard-taylor et la consultation vaudevillesque sur la «charte des valeurs» du PQ, la dernière chose dont le Québec a besoin est d’un énième cirque ambulant servant de ballon partisan au gouvernement du jour.
Sur le plan social, l’idée n’est guère meilleure. Cette manière répétitive qu’ont leurs élus d’imposer aux Québécois l’obligation de se gratter le bobo existentiel en public est foncièrement malsaine.
Face à un Canada anglais qui s’autoidéalise en se voyant comme la terre promise de la tolérance et de la diversité, nos soi-disant «consultations» sur le vivre ensemble nous renvoient l’image contraire. L’image d’un Québec affreux, sale et méchant.
UN LEURRE
À la fin de sa vie, Jacques Parizeau s’en inquiétait d’ailleurs beaucoup. À force de voir leur propre société, aussi imparfaite soit-elle comme les autres, comme étant corrompue et xénophobe, combien de Québécois versent dans une forme troublante d’auto- bashing collectif?
Combien ne font plus la distinction entre la société elle-même et les dysfonctionnements politiques de ses gouvernements? Combien ont intériorisé le même dénigrement injuste du Québec qu’ils dénoncent pourtant dès qu’il vient du reste du pays?
Bref, voilà pourquoi cette consultation sur le «racisme et la discrimination systémique» est un leurre. Primo, sans douter de la bonne foi des «experts» qui y travaillent, l’opération est avant tout un joujou préélectoral pour le gouvernement Couillard.
Secundo, les Québécois eux-mêmes, toutes allégeances et origines confondues, ont déjà amplement donné dans le département de l’introspection masochiste sur la place publique.
Tertio, des diagnostics éclairants et des pistes d’action sur ces questions délicates, mais essentielles, sont prêts. Dans un monde idéal, un gouvernement responsable agirait au lieu d’attendre dans le but d’en faire un enjeu électoral.