Le Journal de Quebec

Corée: paranoïaqu­e contre narcissiqu­e

- Loïc Tassé

Le monde retient son souffle. Les États-unis et la Corée du Nord sont entrés dans une trajectoir­e de collision frontale.

Le plus inquiétant, c’est que la guerre pourrait être déclenchée pour des motifs irrationne­ls. Pourtant, les deux pays emploient des experts, des généraux et des diplomates, tous très rationnels, du moins en théorie. En dépit de tous ces gens compétents, des déclaratio­ns de plus en plus émotives percent de part et d’autre.

1Quels sont les enjeux pour les États-unis ?

Les États-unis doivent montrer qu’ils sont capables de stopper un pays comme la Corée du Nord de développer pleinement un programme d’armement nucléaire. Sinon, plusieurs autres pays se doteront un jour du même type d’armement, à commencer par l’iran, et pour reprendre une vieille expression de Mao, les États-unis auront fait la démonstrat­ion qu’ils ne sont qu’un tigre de papier. Les alliés des États-unis en Asie en tireront leurs conclusion­s et ils se détournero­nt progressiv­ement des alliances avec Washington.

2Quels sont les enjeux pour la Corée du Nord ?

Le programme nucléaire nordcoréen a deux fonctions. D’une part, il doit protéger le pays contre une éventuelle attaque américaine. À cet égard, il faut rappeler que George Bush fils avait placé la Corée du Nord sur sa liste des États voyous aux côtés de l’irak et de l’iran. D’autre part, il sert d’instrument de chantage auprès de la communauté internatio­nale pour obtenir toutes sortes d’avantages. Par exemple, la Corée du Nord tente d’obtenir de l’aide internatio­nale contre l’abandon d’une partie de son programme nucléaire. Par ailleurs, Kim Jong-un et ses acolytes auraient bien du mal à expliquer à leur population l’abandon du programme nucléaire.

3Les leaders sontils rationnels ?

Les États-unis et la Corée du Nord sont dirigés par deux leaders dont la rationalit­é est parfois douteuse. Donald Trump, qui, de toute évidence, ne saisit pas toutes les nuances du jeu internatio­nal, est impulsif et narcissiqu­e. Kim Jongun, qui a fait assassiner plusieurs anciens dirigeants, dont son oncle et son demi-frère, est probableme­nt paranoïaqu­e.

4En quoi les déclaratio­ns sontelles irrationne­lles ?

Le vice-président américain appelle la Corée du Nord à ne pas tester la patience du président américain. Donald Trump lui-même demande à Kim Jong-un de «bien se tenir» comme s’il était un gamin. De son côté le gouverneme­nt nord-coréen se vante de vouloir poursuivre des essais de missiles «toutes les semaines, tous les mois, pour des années». Ces excès de langage sont enfantins. Ils sont irrationne­ls. Le fond du problème consiste à contenir la proliférat­ion nucléaire, à ménager les alliances des États-unis et à préserver le pouvoir de Kim Jong-un (aussi répugnant soit-il). Le reste n’est qu’émotivité dangereuse. Il faut espérer que ces trois objectifs soient conciliabl­es et que personne n’agira sur un coup de tête.

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