Un portrait réaliste des nouveaux parasites danois
Depuis 2011, l’écrivain danois Jussi Adler Olsen réussit à nous tenir en haleine avec la série Département V. Ce 7e opus ne fait pas exception à la règle.
Présentement, au Danemark, les travailleurs sociaux sont confrontés à un tout nouveau genre de problème: alors qu’elles sont en parfaite santé, qu’elles n’accusent aucun retard mental et qu’elles ont même quelques diplômes en poche, un nombre croissant de jeunes femmes préfèrent vivre aux crochets de la société plutôt que de se trouver un emploi. «C’est une avocate de Copenhague qui, indignée par le temps et l’argent qu’elles engloutissaient au détriment de ceux qui en avaient réellement besoin – je songe notamment aux immigrants –, m’a parlé de ces filles, explique d’emblée Jussi Adler Olsen. Ce qui m’a ensuite rapidement inspiré les grandes lignes de Selfies, parce que c’est un phénomène qu’on commence aussi à remarquer ailleurs en Occident.»
Contrairement à ce qu’on a d’abord été tenté de croire, bien des hommes s’ingéniant également à profiter de mille et une manières du système, Jussi Adler Olsen n’est donc ni sexiste ni misogyne. Car si son 7e volet de la série Départe
ment V a régulièrement réussi à nous révolter en dépeignant de façon souvent caricaturale l’insignifiant quotidien de ces femmes, qui peuvent passer des heures devant le miroir à se grimer, à dompter leur abondante chevelure et à choisir ce qu’elles devraient porter pour aller boire un café avec leurs copines ou sortir en boîte, Jussi Adler Olsen a surtout cherché à nous montrer l’envers du triste décor induit par les émissions de téléréalité. «Durant toute leur jeunesse, ces filles ont entendu leurs parents répéter qu’elles étaient belles, talentueuses et merveilleuses, et regarder ce type d’émission leur a permis de supposer qu’elles aussi pourraient un jour facilement faire fortune en devenant célèbres, poursuit-il. Mais aujourd’hui, à 25-30 ans, elles ne savent pratiquement rien faire à part magasiner… et continuer à miser sur leur look pour percer.»
Des parasites en talons hauts
Avec Selfies, on sera ainsi très vite amené à côtoyer Denise, Michelle et Jazmine, trois Danoises approchant la trentaine dont le CV est si mince que, depuis plusieurs années déjà, elles doivent composer avec Anne Line Svendsen, la conseillère professionnelle chargée de les aider à décrocher une formation ou un boulot susceptible de pouvoir leur permettre de gagner honnêtement leur vie. Une démarche administrative aussi désagréable que vaine, aucune d’elles n’ayant l’intention d’abîmer ses ongles ou de ternir sa réputation en acceptant n’importe quel job.
Du coup, elles s’ingénieront à exploiter de 56 manières l’aide sociale… sans se douter que quelqu’un leur fera bientôt payer très chèrement ces écarts de conduite. Un chauffard a en effet décidé de les éliminer coûte que coûte et dès les premiers chapitres, l’une d’elles sera happée de plein fouet par une voiture volée.
Un fait divers qui n’aurait jamais dû parvenir aux oreilles des membres du
Département V, le principal mandat de cette unité d’investigation se résumant à l’élucidation de cas non résolus. Mais à cause de l’assassinat d’une vieille dame d’origine allemande susceptible d’être lié à cette affaire ainsi qu’à celle d’un meurtre non élucidé perpétré quelques années plus tôt, Carl Mørck et son équipe profiteront de l’occasion pour tenter d’accroître leur taux de réussite et convaincre les bonzes de la Criminelle de ne surtout pas fermer le Département V.
Manque de chance, ils ne pourront toutefois pas compter sur l’aide inestimable de Rose Knudsen, leur assistante de choc: hantée par les démons de son sordide passé, elle a, hélas, été internée de son plein gré dans un hôpital psychiatrique pour une durée indéterminée.
une rose fanée?
Grâce à ce 7e opus du Département V, on pourra donc enfin découvrir l’origine des sautes d’humeur et du comportement souvent déroutant de la fougueuse Rose (afin d’en avoir un excellent aperçu, il n’y a qu’à lire Délivrance, le 3e tome de la série!). «Depuis le début, je connaissais toute son histoire et tous ses secrets, souligne Jussi Adler Olsen. Depuis le début, je savais également qu’une grande partie de ce tome allait lui être consacré pour permettre aux lecteurs de mieux la comprendre. Car ce qu’il y a d’intéressant avec un personnage aussi complexe que Rose, c’est qu’il faut revenir en arrière pour expliquer l’adulte qu’elle est devenue, et même remonter jusqu’à sa plus tendre enfance.» Une enfance qui n’a absolument rien à voir avec celle des filles égocentriques qui lui ont inspiré Selfies, Rose ayant peu à peu commencé à s’épanouir et à perdre quelques épines en travaillant d’arrache-pied aux côtés de Carl Mørck et d’assad, son mystérieux acolyte.
«Dans mon prochain livre, je vais d’ailleurs en dire beaucoup plus sur Assad, ajoute Jussi Adler Olsen. De peur de le perdre, Carl n’a jamais osé se renseigner à fond sur les troubles antécédents de cet enquêteur hors pair sorti de nulle part. Je me devais donc de le faire et pour l’instant, je n’en suis encore qu’au synopsis, la partie recherche réclamant beaucoup de temps.»
Autrement dit, le 8e tome ne devrait paraître chez nous qu’en 2019. Ce qui donnera la chance à tout le monde de lire les sept précédents volumes.