Plus de violence et de suicides
Une situation pire dans les centres de détention du Québec que dans les établissements fédéraux
Les suicides et les incidents violents s’intensifient dans les centres de détention du Québec depuis les dernières années, a appris Le Journal, alors que les piètres conditions de détention sont pointées du doigt par un expert.
Rien que pour l’année 2014-2015, 334 incidents en tous genres ont été dénombrés dans les centres de détention du Québec, selon les plus récentes données recueillies par la Loi d’accès à l’information. Il s’agit d’un record depuis que le ministère de la Sécurité publique comptabilise les événements dans les établissements de détention.
Parmi ces incidents, les suicides et les tentatives de suicide augmentent en flèche. Quatorze détenus et deux agents de corrections se sont enlevé la vie entre 2013 et 2015. De plus, 49 tentatives de suicide s’ajoutent à cette liste.
Le Journal avait recensé les incidents il y a quelques années, alors que des dizaines de suicides et de tentatives avaient été dénombrées entre 2009 et 2013. Un total de 115 gestes suicidaire en six ans.
Au pro rata, il s’agit d’une vague encore plus grande que celle révélée par Le Journal en début d’année dans les pénitenciers fédéraux du Québec, alors que 191 suicides ou tentatives de suicide avaient été répertoriés dans les 10 dernières années.
«Il y a un lien entre les conditions de détention et le taux de suicide. Ce qu’on peut constater, de manière générale, c’est que les suicides se produisent dans les grands centres de détention du Québec», explique le criminologue Jean-claude Bernheim, dénonçant le manque de dynamisme à l’intérieur de ces établissements ainsi que l’absence de soutien psychologique.
«Pour les grandes prisons, ce n’est pas nécessairement que les endroits sont vétustes. C’est que l’inactivité est essentiellement la norme», a-t-il mentionné, rappelant qu’environ 70 % des détenus condamnés dans les prisons du Québec purgent des peines de moins de trois mois.
BAGARRES, ÉMEUTES ET MENACE
De plus, les chiffres révèlent que les gestes violents comme des bagarres, des voies de fait et des émeutes se multiplient. Les gangs qui doivent cohabiter, les pénuries de nourriture et de biens, la surpopulation et le roulement de personnel sont des facteurs menant à ces durs conflits, croit l’expert.
«C’est un milieu très physique et violent entre les détenus. Ça tient aussi en partie aux conditions de détention», indique M. Bernheim. Les documents rapportent également des dizaines de «menaces sérieuses» contre les gardiens. «L’ambiance de confrontation est constante», a précisé l’expert.
JUSQU’À L’EXTÉRIEUR
Il est aussi préoccupé par les infractions criminelles majeures commises à l’extérieur des établissements par des prévenus. L’an dernier, 38 dossiers ont été soumis au Directeur des poursuites criminelles et pénales pour des gestes perpétrés par des détenus durant une permission de sortie ou une garde légale.
Encore une fois, les conditions de détentions sont en cause, selon M. Bernheim.
«Lorsqu’ils sortent, ils n’ont souvent plus rien et ils doivent repartir de zéro. C’est un cercle vicieux», relate-t-il, critiquant les courtes peines imposées pour des crimes très mineurs qui entraînent une rupture des détenus avec la société.