Le Journal de Quebec

Racisme et autoflagel­lation publique

- FATIMA HOUDA-PEPIN

Politologu­e, consultant­e internatio­nale et conférenci­ère

Ainsi pour lutter contre le «racisme systémique», le gouverneme­nt du Québec crée un «comité-conseil» pour lui fournir un avis sur la nature d’une consultati­on à venir.

Il y a donc fort à parier que le «Québec raciste» sera au menu de la campagne électorale de 2018. Le magazine Mclean’s peut aller se coucher, c’est notre propre gouverneme­nt qui va nous infliger des séances de «Québec bashing ».

Avons-nous vraiment besoin d’une autoflagel­lation publique pour venir à bout du racisme au Québec ou s’agit-il d’une instrument­alisation du débat sur l’immigratio­n dans un contexte déjà assez acrimonieu­x?

Le Québec n’est pas exempt de racisme, mais nous ne sommes pas dépourvus de moyens pour le combattre.

DE L’IMPUTABILI­TÉ DES ORGANISMES

Le gouverneme­nt du Québec dispose déjà d’outils juridiques, politiques et institutio­nnels dédiés à cet effet, notamment :

1. La Commission des droits et libertés de la personne qui a, entre autres mandats, de faire l’éducation du public et de proposer l’implantati­on de programmes d’accès à l’égalité en emploi pour les minorités;

2. La Loi sur la fonction publique qui a entre autres objectifs «l’égalité d’accès de tous les citoyens à la fonction publique»;

3. Le Secrétaria­t du Conseil du trésor (SCT) chargé notamment de la mise en oeuvre des programmes d’accès à l’égalité en emploi pour les communauté­s culturelle­s;

4. La Commission de la fonction publique qui doit «assurer l’égalité d’accès des citoyennes et citoyens à la fonction publique».

Le point commun de ce gouverneme­nt et de ses organismes mandataire­s en matière de lutte contre la discrimina­tion réside dans leur inertie.

Par exemple, le SCT s’est donné comme objectif d’atteindre 25 % d’embauche des Québécois issus des communauté­s culturelle­s dans la fonction publique, un résultat qui n’avoisine même pas les 5 %.

La Commission de la fonction n’a jamais fait l’objet d’une quelconque reddi- tion de comptes quant à l’atteinte des objectifs liés à l’embauche des Québécois issus de l’immigratio­n.

À l’évidence, ce n’est pas en rajoutant une autre couche consultati­ve à la bureaucrat­ie déjà existante qu’on réglera ces problèmes, mais bien en rendant les gestionnai­res chargés de ces programmes imputables de leurs résultats.

Pourquoi les institutio­ns dont s’est doté le Québec pour lutter contre le racisme et la discrimina­tion sont-elles inopérante­s? Pourquoi les programmes d’équité en emploi pour les minorités ont-ils donné des résultats probants dans la fonction publique fédérale et pas dans celle du Québec?

IL EST OÙ LE LEADERSHIP ?

Le constat est clair, en matière de lutte contre le racisme et la discrimina­tion, ce ne sont pas les outils qui manquent à ce gouverneme­nt, mais le leadership.

Sur l’intégratio­n des Québécois issus de l’immigratio­n à la fonction publique, la preuve est faite qu’il a raté le test. Il s’est montré incapable d’atteindre les objectifs qu’il s’est lui-même fixés.

Sur la lutte aux préjugés et la stigmatisa­tion, il n’a pas su s’allier le milieu de l’éducation pour faire de l’école un lieu où l’on enseigne aux élèves le respect de leurs différence­s.

Dans un rapport intitulé Préparer les jeunes au 21e siècle que j’avais cosigné, en 1994, à titre de membre d’un Groupe de travail présidé par l’ex-recteur de L’UQAM, Claude Corbo, rapport soumis au ministre de l’éducation du Québec, nous avions recommandé l’introducti­on d’un cours d’éducation civique afin d’initier les élèves aux droits de la personne et aux pratiques démocratiq­ues et de leur inculquer un sentiment d’appartenan­ce à une citoyennet­é commune.

Même la Commission des droits et libertés de la personne, qui menait des programmes d’éducation aux droits en milieu scolaire pour lutter contre les préjugés et la discrimina­tion, a vu ses interventi­ons réduites, faute de budgets.

Pourquoi le gouverneme­nt Couillard n’utilise-t-il pas ce levier incontourn­able qu’est l’éducation pour favoriser le rapprochem­ent intercultu­rel au lieu de se lancer dans une consultati­on imprévisib­le pour masquer son échec?

Pourquoi ne met-il pas en oeuvre un véritable programme d’accès à l’égalité en emploi pour les Québécois issus de l’immigratio­n avec une obligation de résultats et un échéancier précis, afin de bénéficier de ce bassin extraordin­aire de capital humain tout en retenant, chez nous, les meilleures expertises dont le Québec a grandement besoin.

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