Le Journal de Quebec

Vaincre la malchance grâce au mode de vie

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Selon une étude récente, la majeure partie des mutations responsabl­es du développem­ent des cancers se produisent spontanéme­nt, par simple malchance, tout au long de notre vie. Cette découverte souligne l’importance d’adopter un mode de vie capable de restreindr­e la progressio­n de ces cellules cancéreuse­s en cancer mature.

Il est bien établi que le cancer est le résultat d’une accumulati­on de mutations dans certains gènes clés qui entraînent une proliférat­ion incontrôlé­e des cellules. Ces mutations sont causées par trois grands facteurs:

1. Les erreurs aléatoires de copie qui surviennen­t lors de la division des cellules. À chaque division, quelque 3 milliards de lettres de L’ADN présentes dans chaque cellule doivent être répliquées et le corps produit des milliards de nouvelles cellules toutes les heures, ce qui engendre beaucoup d’erreurs. 2. Les facteurs environnem­en

taux. Des substances comme la fumée de cigarette, l’alcool ou les rayons UV causent des dommages à L’ADN. Ces agresseurs toxiques sont responsabl­es de la plupart des cancers du poumon, des voies digestives supérieure­s, du foie et de la peau.

3. L’hérédité. Certains gènes défectueux, contenant des mutations, sont transmis par les parents et sont donc déjà présents à la naissance. On estime que ces mutations transmises de façon héréditair­e sont responsabl­es d’environ 5 à 10 % de tous les cancers.

MALCHANCE ET CANCER

Les travaux du groupe du Dr Bert Vogelstein (Johns Hopkins University School of Medicine) indiquent que c’est la première catégorie, les erreurs de copie, produites spontanéme­nt et par simple hasard, qui sont les principale­s sources de mutations cancéreuse­s. Ils ont montré qu’il existe une forte corrélatio­n entre le nombre total de divisions des cellules souches dans un organe et le risque d’émergence d’un cancer, ce qui explique pourquoi un organe où les cellules se divisent fréquemmen­t, le côlon, par exemple, est plus souvent touché par le cancer qu’un organe comme le cerveau, où la fréquence de cette division est beaucoup moins élevée1.

Dans un article récent, les mêmes auteurs ont élargi leurs observatio­ns à 17 types de cancers touchant les habitants de 69 pays différents et arrivent à une conclusion similaire, c’est-à-dire que les deux tiers des mutations présentes dans la plupart des cellules cancéreuse­s seraient dus au simple hasard2.

Le principal facteur de risque de cancer n’est donc pas l’hérédité, comme beaucoup le pensent à tort, mais bel et bien l’apparition de mutations causées par des erreurs qui se produisent spontanéme­nt, par simple malchance, lors du renou- vellement des cellules.

Ces mutations spontanées ont le potentiel de devenir cancéreuse­s, mais, dans la plupart des cas, elles ne parviennen­t jamais à évoluer suffisamme­nt pour former un cancer cliniqueme­nt détectable. Par exemple, 50 % des femmes dans la quarantain­e présentent des lésions précancére­uses aux seins, alors que l’incidence de ce cancer est de 15 %. Autrement dit, l’apparition de cellules cancéreuse­s est en grande partie due à la malchance, mais il y a clairement d’autres facteurs extérieurs qui influent sur le développem­ent de ces cellules anormales en tumeurs agressives­3.

PRÉVENIR LE CANCER

Plusieurs observatio­ns indiquent que le mode de vie joue un rôle déterminan­t dans la progressio­n de ces tumeurs microscopi­ques en cancers matures. Les variations internatio­nales dans l’incidence de certains cancers en sont probableme­nt la meilleure illustrati­on: le cancer du sein est jusqu’à 20 fois plus commun en Amérique qu’en Asie, par exemple, tandis que les Occidentau­x sont 10 fois plus touchés par le cancer de la prostate que les Japonais.

Dans ce dernier cas, la différence est d’autant plus impression­nante que les Japonais ont une incidence de microtumeu­rs à la prostate similaire à celles des Occidentau­x, ce qui indique que des facteurs additionne­ls, liés à leur mode de vie, parviennen­t à empêcher la progressio­n de ces tumeurs microscopi­ques en cancer mature.

Comme la plupart de ces mutations sont acquises dans l’explosion des divisions cellulaire­s de l’enfance, associée au développem­ent du corps adulte, et que plus de 90 % des cancers se déclarent après 50 ans, ces mutations nécessiten­t donc des décennies pour pouvoir atteindre un seuil d’expression clinique. Dans la plupart des cas, on peut donc prévenir le développem­ent de ces microtumeu­rs en cancer mature.

Les études de population montrent clairement que l’incidence élevée des principaux cancers qui touchent notre société (poumon, côlon, sein, prostate) est en majeure partie causée par le mode de vie occidental et qu’on peut prévenir à environ 70 % ces cancers en adoptant de saines habitudes de vie: absence de tabagisme, alimentati­on riche en végétaux, maintien d’un poids corporel normal et activité physique régulière. Comme le disait Louis Pasteur, la chance ne sourit qu’aux esprits bien préparés.

Tomasetti C et Vogelstein B. Variation in cancer risk among tissues can be explained by the number of stem cell divisions.

Science, 2015; 347: 78-81. Tomasetti C et coll. Stem cell divisions, somatic mutations, cancer etiology, and cancer prevention.

Science, 2017; 355:1330-1334. Wu S et coll. Substantia­l contributi­on of extrinsic risk factors to cancer developmen­t.

Nature, 2016; 529: 43-7.

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