Le Journal de Quebec

L’amour des dictateurs

- Loïc Tassé

Donald Trump vient de déclarer qu’il serait «honoré» de rencontrer Kim Jong-un. Le sanguinair­e dictateur nordcoréen lui rendrait-il cette politesse?

Trump fait un curieux usage de l’anglais. Un usage déroutant pour les interprète­s, habitués à traduire le plus fidèlement possible les déclaratio­ns des dirigeants politiques. «Honoré.» Le mot pourrait paraître une simple gaucherie si Trump n’avait pas employé toute une série de termes discutable­s sur de multiples sujets.

1Qui sont les dirigeants que Trump admire ? Il a suffi à Trump de quelques heures en avec tête-à-tête le président chinois Xi Jinping pour décider que celui-ci était un ami et un grand dirigeant. Du reste, Trump pourraitil avoir comme ami quelqu’un qui n’est pas un grand homme? Selon le président américain, Kim Jong-un est très futé ( «a pretty smart cookie» ). Il passe donc le test des gens avec lesquels il daigne s’entretenir. Trump a aussi félicité le président turc pour sa victoire au référendum, une victoire qui lui attribue plus de pouvoirs. Recep Tayyip Erdogan a triché pour gagner. Il est corrompu et islamiste. Mais qu’importe, l’homme est fort politiquem­ent. Il suscite donc l’admiration de Trump. Même chose pour Vladimir Poutine, dont les méthodes se passent de présentati­on.

2Pourquoi inviter Rodrigo Duterte pose-t-il problème ? Trump vient d’inviter à la Maison- Blanche Rodrigo Duterte, le président des Philippine­s. Duterte n’est pas un dictateur. Mais il a décidé d’ignorer les tribunaux philippins. Après tout, faire des procès est plutôt lent et coûteux. Donc Duterte a permis à la police de tuer tous ceux qu’elle soupçonne de se livrer au trafic de drogue. Duterte a avoué avoir lui-même tué à bout portant quelques malfrats. Les élus républicai­ns sont, paraît-il, plutôt mal à l’aise à l’idée de côtoyer dans des dîners d’apparat un président assassin qui méprise le droit. Après tout, les États-unis se veulent toujours les grands champions mondiaux de la défense de l’état de droit.

3Quels sont les points communs entre ces dirigeants ? La fascinatio­n de Trump pour les Poutine, Erdogan, Kim, Xi et Duterte fait ressortir quelque chose de dérangeant. Les cinq dirigeants sont des hommes forts qui méprisent les règles de droit. Les cinq montrent des talents de dictateurs. Ils sont tous adulés par une partie de leur population. Par ailleurs, les désagréabl­es parfums de corruption qui flottent autour de la plupart de ces dirigeants ne comptent pas aux yeux de Trump.

4Faut- il s’inquiéter des éloges de Trump ? Le besoin d’adulation de Trump est connu. Trump pourrait-il approcher facilement ces importants personnage­s sans être président des ÉtatsUnis? Ces dirigeants devront désormais lui témoigner du respect. Trump a récemment déclaré qu’il trouvait désuètes les règles du Congrès. Il semble regretter le temps où il dirigeait son entreprise au doigt et à l’oeil. Le penchant de Trump pour les dictateurs est certaineme­nt inquiétant.

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