Le Journal de Quebec

La patience n’est pas éternelle

- josée legault josee.legault@quebecorme­dia.com

Sous la loupe des parlementa­ires, le patron de l’unité permanente anticorrup­tion (UPAC), Robert Lafrenière, a ramé fort hier au Salon bleu. Son objectif: lever tout soupçon d’ingérence politique minant la bonne conduite de ses enquêtes. Y compris pour l’enquête Mâchurer sur le financemen­t politique illégal et l’octroi de contrats publics. Laquelle porte entre autres sur l’ex-premier ministre Jean Charest et l’ex-argentier libéral Marc Bibeau.

Face aux élus, M. Lafrenière s’est engagé à mener Mâchurer à terme, soit jusqu’au dépôt des résultats de l’enquête au Directeur des poursuites criminelle­s et pénales (DPCP). Mais quand? Mystère et boule de gomme.

Jurant qu’il n’y a ni blocage ni d’«immunité» pour les libéraux, M. Lafrenière justifie la longueur extrême de l’enquête par de nombreux obstacles juridiques ayant empêché un aboutissem­ent plus rapide. En d’autres termes, il appelle les citoyens à la patience.

Or, quand il s’agit d’allégation­s graves de corruption touchant possibleme­nt le sommet du pouvoir politique, la patience a ses limites. Cinq ans après la défaite de gouverneme­nt Charest, il en va de la confiance amochée des Québécois envers leurs institutio­ns.

PUNITION PAR RICOCHET

À dix-huit mois d’une élection, il en va aussi du sort même du Parti libéral du Québec. S’il fallait qu’avant le prochain scru- tin, des accusation­s criminelle­s montent jusqu’au haut de la pyramide de l’ère Charest, la punition par ricochet de son successeur Philippe Couillard pourrait être lourde.

À l’autre extrême, si Mâchurer n’aboutit pas d’ici-là, les doutes sur l’indépendan­ce de L’UPAC redoublero­nt. M. Lafrenière a beau dire qu’il n’a «rien à cirer de l’agenda politique», il existe bel et bien. En cela, il joue gros. Son engagement solennel sur Mâchurer le soumet en fait à une obligation de résultats dans un délai raisonnabl­e.

Ce sont là des enjeux cruciaux pour la santé de la démocratie québécoise. Les Québécois ont le droit de savoir si la direction même du gouverneme­nt Charest était gangrenée ou non par la corruption. Si oui, les responsabl­es devront être sanctionné­s.

D’où l’importance à terme d’ériger un mur pare-feu entre le politique et les patrons du triumvirat formé de L’UPAC, du DPCP et de la Sûreté du Québec en soumettant leur nomination à l’approbatio­n des 2/3 de l’assemblée nationale.

DÉPOLITISE­R LE PROCESSUS

Leur indépendan­ce absolue face au premier ministre du jour en dépend. Lequel, étrangemen­t, peut nommer les patrons de L’UPAC et du DPCP même si leur mission peut les mener à enquêter ou accuser des élus du parti au pouvoir.

M. Lafrenière disait hier se «sentir» pleinement indépendan­t du politique. Son «sentiment» est peut-être fondé. Il ne peut toutefois pas servir de prétexte à conserver un mode de nomination aussi politisé. À preuve, le directeur de la SQ est dégommé à chaque changement de gouverneme­nt, ou presque. Une situation inquiétant­e en elle-même.

Les fuites ahurissant­es de documents confidenti­els concernant les dossiers de messieurs Charest et Bibeau — et confirmant leur très grande proximité — témoignent aussi de dysfonctio­nnements troublants au sein même de L’UPAC.

Des enquêteurs seraient-ils frustrés de ne pas voir Mâchurer aboutir?

Les Québécois ont le droit de savoir si la direction même du gouverneme­nt Charest était gangrenée ou non par la corruption

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