Marine débarque à la campagne
ENNEMAIN, France | Votre serviteur se sentait un peu ridicule, marchant sur une route déserte. Comme ni train ni bus ne s’y rendaient, j’ai loué un véhicule qu’un policier en faction m’a demandé de laisser à quelques kilomètres de là.
Seule l’odeur de l’herbe fraîchement fauchée sur les bas-côtés indiquait qu’on attendait de la visite ici. Un âne me regardait avec un drôle d’air.
J’aperçois au loin un immense manège, semblant sorti de l’arsenal de Beauce Carnaval. Avec le clocher de l’église dans le champ de vision, ça fait effet.
PAS ANODIN
Ennemain, Picardie, 227 habitants: au lendemain du débat, c’est là que Marine Le Pen termine sa campagne.
La presse s’en est amusée. Pourquoi faire une telle rencontre dans un hameau excentré? Pour des opérateurs politiques, tenir une activité dans un lieu où le cellulaire ne se rend pas, c’est contre-intuitif.
Ce choix n’est pas anodin. «Est-ce qu’on a vu un Mitterand, un Chirac, un Sarkozy, qui sont venus faire un meeting dans un petit village comme ici? Non, jamais. Elle, oui, elle le fait», m’expliquera plus tard David, 35 ans. Ouvrier, il habite une ville située à 35 kilomètres de distance.
INTIME ET CARNAVALESQUE
De fait, en arrivant sur les lieux du rassemblement, tout semble à la fois intime et carnavalesque. La foule est entassée entre deux rangées de kiosques installés pour l’occasion, où on vend de la bière et des frites. Plus tard, un groupe rock viendra jouer des succès américains.
Autour de la pittoresque mairie-école, les gens se juchent là où ils peuvent, certains sur d’immenses bottes de foin. Des jeunes femmes sont déguisées. Plusieurs messieurs ont la moustache taillée comme Obélix pour faire bien gaulois.
«C’est la seule qui peut redresser notre réputation nationale», me confie Audrey, 33 ans. Elle est chômeuse et participe pour la première fois à un rassemblement politique. C’est l’espoir de gens comme elle qui aura servira de carburant à Marine Le Pen dans cette campagne.
La candidate est sortie de l’hôtel de ville pour livrer un discours sombre aux citoyens de Picardie rassemblés devant elle. Dans ses mots, la situation de la France semble désespérée. À l’arrière, les notables bien sapés du FN observent leur championne avec satisfaction.