Coup d’épée dans l’eau
Ne nous leurrons pas. La décision de la Caisse de dépôt et placement du Québec de voter contre l’augmentation de 50 % de la rémunération des hauts dirigeants de Bombardier et de proposer le remplacement de Pierre Beaudoin par un administrateur indépendant va rester lettre morte.
Pourquoi? Parce que l’actionnaire de contrôle, la famille Bombardier – Beaudoin, ne va sûrement pas se tirer dans les pieds en renonçant à sa décision d’augmenter la rémunération de sa haute direction et de renouveler le mandat du fils à titre de président exécutif du conseil d’administration.
MAIS…
Convenons que la semonce de la Caisse envers la scandaleuse augmentation de 50 % de la rémunération des hauts dirigeants de Bombardier fait du bien, ne serait-ce que moralement.
Et voir l’administration de Michael Sabia proposer le remplacement de Pierre Beaudoin par un administrateur indépendant à la présidence du conseil d’administration, voilà une proposition audacieuse. Sur papier seulement, mais qu’importe!
Pourquoi la Caisse vote-t-elle contre la «résolution consultative» sur la rémunération des dirigeants et pourquoi n’appuie-t-elle pas la réélection de Pierre Beaudoin à titre de président exécutif du conseil d’administration?
«À notre avis, écrit la Caisse, les décisions récentes du conseil d’administration sur la rémunération des hauts dirigeants de la société ne sont pas à la hauteur des normes de gouvernance et de responsabilité nécessaires envers les parties prenantes.» C’est-à-dire envers plus précisément les investisseurs, les gouvernements, les com- munautés, les employés, et, en collaboration avec la direction.
Pour améliorer la gouvernance, la direction de la Caisse croit que le conseil d’administration «doit mieux évaluer et mieux équilibrer les différents intérêts» de ses parties prenantes.
LE TOLLÉ
Il est important de rappeler que l’augmentation abusive de la rémunération de la haute direction de Bombardier a soulevé un tollé au sein de la population. À tel point que le président Pierre Beaudoin a renoncé à son augmentation de l’année 2016 et que le président et chef de la direction Alain Bellemare a senti le besoin d’étaler sur une année de plus la hausse accordée.
Cela dit, les corrections apportées par M. Bellemare demeurent mineures puisque les hausses accordées restent injustifiables par rapport à la piètre performance de Bombardier en Bourse depuis son arrivée en février 2015. Et quant à la renonciation de Pierre Beaudoin à son augmentation… c’est bien la moindre des choses qu’il pouvait faire. Car sa rémunération annuelle de quelque 5 millions dépasse d’au moins 10 fois celle accordée aux présidents de conseil occupant un job similaire.
SANS CONSÉQUENCE
Le vote de la Caisse contre la hausse de la rémunération de la direction de Bombardier et sa proposition de déloger Pierre Beaudoin de la présidence du conseil ne vont avoir aucun impact... concret.
Notre problème? Qu’on ait investi collectivement 3,3 milliards dans Bombardier (1,5 G$ par l’entremise d’investissement Québec et 2,0 G$ par la Caisse) ne nous donne droit qu’à une petite fraction des droits de vote à l’assemblée annuelle de jeudi prochain.