Le Journal de Quebec

Un choix de société

- josée legault josee.legault@quebecorme­dia.com

Que feriez-vous si vous étiez obligés de «placer» votre propre enfant, votre frère ou votre soeur, par épuisement et manque de ressources pour en prendre soin? C’est pourtant le choix impossible auquel sont confrontée­s de nombreuses familles vivant avec une personne handicapée intellectu­elle adulte.

Regroupées sous le nom de «Parents pour toujours», certaines de ces familles ont tenu hier un point de presse bouleversa­nt à l’assemblée nationale. Accompagné­es d’un élu au grand coeur, le député caquiste François Paradis, elles ont expliqué leur désir de garder leurs enfants adultes.

Leur demande est simple: que l’état reconnaiss­e leur travail en leur accordant le statut de famille d’accueil et le même soutien financier. Le gouverneme­nt Couillard a dégagé de nouveaux fonds pour les autistes et offert un soutien à des parents d’enfants handicapés intellectu­els mineurs. Mais pour les familles d’enfants adultes, rien n’a encore été fait.

On sait pourtant que les besoins des adultes souffrant de déficience intellectu­elle, qu’elle soit «moyenne» ou «lourde», sont considérab­les et augmentent avec l’âge. Sans soutien suffisant de l’état, de nombreuses familles sont à bout de souffle ou tombent au combat.

Leur demande est simple : que l’état reconnaiss­e leur travail en leur accordant le statut de famille d’accueil et le même soutien financier

UNE VIE AIMANTE

Comme l’adulte handicapé ne reçoit que l’aide sociale, la plupart de ces familles sont incapables de se payer les soins spécialisé­s et le gardiennag­e dont elles auraient besoin pour tenir le coup. Comme réponse, l’état les place plutôt devant un dilemme crèvecoeur.

Ou elles gardent leur enfant adulte pour lui assurer une vie aimante. Auquel cas leur propre santé, leurs finances et leur vie profession­nelle en pâtissent. Ou elles «placent» leur enfant en CHSLD ou famille d’accueil privée subvention­née. Or, si cette «ressource» n’est pas adéquate — ce qui arrive plus souvent qu’on le pense —, leur enfant risque une régression irrécupéra­ble.

Bref, ces familles sont piégées. Soit que les services sociaux les ignorent. Une fois qu’elles sont épuisées, soit qu’ils les ajoutent à une interminab­le liste d’attente pour une bonne ressource d’hébergemen­t. Soit qu’on leur offre une ressource inadéquate ou rien du tout.

CRI DU Coeur

Vivant avec ma soeur handicapée intellectu­elle, comme de nombreux parents, je suis prise depuis des années dans cette même souricière. De plus en plus, la fratrie prend d’ailleurs la relève après le décès des parents. Avec les mêmes risques et la même absence de soutien.

C’est pourquoi la requête de Parents pour toujours est raisonnabl­e. Elle ferait même économiser de l’argent aux contribuab­les. Une famille mieux soutenue par l’état, incluant la fratrie quand les parents meurent, aurait une meilleure qualité de vie. Elle aurait moins besoin du système de santé et serait plus productive.

C’est une question de choix de société, d’humanisme et de volonté politique. En point de presse, une mère le résumait à merveille: «Mon fils à moi, qui a 27 ans, veut rester avec maman. On ne veut pas me donner les mêmes avantages qu’une famille d’accueil parce que c’est mon propre sang. Estce que c’est logique? Moi, je n’en vois pas de logique.»

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François Paradis accompagné de parents d’enfants lourdement handicapés.

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