L’«icône» qui a sauvé québec
À l'aube de son 100e anniversaire, le pont de Québec accumule la rouille pendant que l’impasse persiste entre le CN et les paliers de gouvernement. «Icône» du génie, il a pourtant eu une influence cruciale à Québec, qu’il a littéralement sauvée du déclin.
La contribution du pont à l’évolution du génie est majeure, souligne Lyne Fontaine, membre du comité international scientifique D’ICOMOS sur l'analyse et la restauration des structures du patrimoine architectural.
«C’est une icône. C’est une pierre angulaire dans l’histoire du génie. […] La réputation du pont de Québec et son rayonnement scientifique dépassent les frontières canadiennes.» ICOMOS est l’une des trois organisations consultatives auprès de L’UNESCO sur les questions de patrimoine mondial.
RENOMMÉ
«C’est un des ponts les plus connus du monde», approuve Denis Beaulieu, ingénieur civil retraité qui a été professeur et doyen à l’université Laval et qui est spécialisé en structures d’acier.
Ce qui le rend si important? «Son histoire, le fait qu’il soit tombé deux fois pendant sa construction. C’est un pont spectaculaire, fantastique, qui a été construit il y a plus de 100 ans.»
Mais aussi le fait qu’il est le résultat d’une prouesse d’ingénierie, explique-t-il. La technique du porte-à-faux, ou cantilever, a été abandonnée quelque temps après la construction du pont, au profit de méthodes moins complexes et moins coûteuses. Ainsi, il demeure un rare témoin d’une époque révolue.
FAIRE PASSER LE TRAIN
Peu de gens savent que sans la construction du pont, en 1917, c’est Lévis qui aurait profité de la prospérité apportée par le train.
En 1854, l’ingénieur Edward William Serrell, mandaté par la Ville de Québec, a dressé ce constat implacable: «Si le chemin de fer ne traverse pas ici, quelle est l’alternative? Que devient Québec? Tout le commerce, avec tous les avantages qui l’accompagnent, dira à votre cité un éternel adieu. […] Il vous faut construire soit un pont, soit une nouvelle cité.»
Le pont de Québec a donc été «majeur et crucial» pour le développement de la RiveNord, analyse l’auteur et conférencier Michel L’hébreux, qui retrace son histoire dans son livre Le Pont de Québec.
Pour lui, la valeur patrimoniale, technique et historique de la structure est indiscutable. «À l’époque de son parachèvement, il était déjà classé parmi les chefs-d’oeuvre du génie civil», insiste-t-il.
D’ailleurs, il répond aujourd’hui en tous points aux critères élaborés par le ministère des Transports du Québec pour déterminer la valeur patrimoniale d’un pont, avec une note parfaite de 10 sur 10, souligne le spécialiste.
FIERTÉ CANADIENNE
Les catastrophes qui sont survenues lors de sa construction ont servi de leçon. «On a beaucoup appris de tout cela», glisse M. Beaulieu. «On a un devoir de mémoire» d’honorer le sacrifice des 89 travailleurs qui ont perdu la vie lors des deux effondrements de 1907 et de 1916, renchérit Michel L’hébreux.
Lyne Fontaine rappelle que le pont a été en grande partie bâti par des Canadiens. «Les Canadiens ont beaucoup de fierté par rapport à cette réalisation parce que c’est de leur cru.»