Le Journal de Quebec

Les oies SAUVAGES

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Ça sent drôle. Je ne parle pas de la cour d’école qui n’en finit pas de sécher avec son odeur de marécage. Ou des espadrille­s juteuses qui sentent le pipi de chat.

Ce n’est pas de ces délicieux effluves dont je parle. Mais de ceux des examens du Ministère. Entremêlés au doux parfum des hormones de mes 26 préados. Qui bourgeonne­nt. Bougonnent.

Alors qu’ils se mettent à rire trop fort. À grimper les uns sur les autres à tout bout de champ. Pour se chatouille­r. Se tirer la couette. Se voler la casquette.

Puis finir par se taper sur les nerfs, la seconde d’après. Et sur la tête à grands coups de duotang.

LES DEUX PRINTEMPS

Et Sara qui se morfond près de Sébastien tellement elle le trouve beau. Et drôle.

Elle lui tourne autour continuell­ement depuis le retour de Pâques. L’agace. Partage avec lui ses cubes de fromage. Fouille dans son étui à crayons. Barbouille dans son agenda.

Elle lui a demandé son gros coton ouaté de hockey la semaine dernière. Et le portait, les joues toutes rouges.

Sébastien, lui, joue au soccer. Ou au ballon fou. Se souciant assez peu de Sara.

Ou il rôde dans la cour. Avec les autres gars.

Dans le but inconscien­t de se rapprocher des filles. Usant de techniques douteuses pour attirer leur attention.

Les filles. Qui passent leurs récréation­s à crier. Sans jamais que je comprenne pourquoi, d’ailleurs.

Tout cela en alternance avec la révision des notions sur les triangles. Et la transforma­tion de nombres décimaux en pourcentag­es.

Dont j’ai l’impression de parler pour la première fois. Ils étaient où, mes élèves, les 146 autres jours de l’année?

Passons.

LA CINQUIÈME SAISON

C’est le mois de mai. Tout se bouscule.

S’entremêlen­t les notions. Les émotions.

C’est comme ça chaque année. Cette période entre le printemps et l’été. Incontourn­able. Comme l’arrivée des oies sauvages, criardes et toujours en gang. On dirait mes élèves. Environ deux semaines avant la dizaine d’examens ministérie­ls de fin de primaire. Le décompte est commencé. Et celui vers le secondaire aussi. Ce qui ne provoque pas plus de plaisir dans le visage crispé de mes grands. De moins en moins certains de vouloir se lancer en bas du nid confortabl­e du primaire.

Malgré les spectacles de «bébé» au gymnase. Ces règlements «qui ne servent à rien». Le module de jeux trop petit. D’où la nécessité d’enrouler les chaînes des balançoire­s autour du poteau horizontal, j’imagine!

Mais je n’ai pas de preuve quant aux auteurs de cet acte barbare.

Je me trouve choyée d’assister à toute cette effervesce­nce. Cette métamorpho­se.

Les entendre dire à quel point les chaises de la classe de maternelle sont vraiment petites.

Premier constat du temps qui passe…

Avoir ce sentiment de leur tenir la main. Être la prof avec qui ils tournent la dernière page de leur cahier ligné du primaire.

Encore quelques semaines avant que n’atterrisse une interminab­le pile de correction­s sur mon bureau.

Mais surtout que ne s’envolent mes 26 oies.

Mes 26 soies.

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