Le Journal de Quebec

Un premier choc ÀCANNES

-

CANNES | (AFP) Le premier choc du Festival de Cannes est venu de Russie, hier, avec Faute d’amour d’andreï Zviaguints­ev, un film âpre et étouffant qui propose une vision d’une société brutale et déshumanis­ée, à travers la disparitio­n de l’enfant d’un couple moscovite.

Habitué de la Croisette où il a remporté le Prix du scénario pour Leviathan en 2014 et le Prix du jury en 2011 dans la section Un Certain Regard pour Elena, Zviaguints­ev continue avec ce cinquième long-métrage de dresser un constat amer sur l’état de son pays. Il le dépeint en perte de repères, de valeurs, sombrant dans l’individual­isme et l’hypocrisie sous toutes ses formes.

«Je n’imagine pas faire quelque chose qui ne m’émeuve pas. Ce sont des problèmes que je veux aborder, je les trouve importants», a déclaré le réalisateu­r sur Canal+, précisant s’être inspiré d’une histoire vraie pour écrire son scénario.

L’effondreme­nt de l’âme, thème cher au cinéaste de 53 ans, se traduit ici par l’incapacité d’un couple d’aimer son enfant de 12 ans. Qui est meurtri par la violente séparation qui se produit sous ses yeux. La mère (Maryana Spivak) et le père (Alexeï Rozin) se battent, non pas pour obtenir la garde du fils, mais pour se débarrasse­r de celui qui constitue le dernier obstacle à leur nouvelle vie conjugale respective.

SCÈNES DIFFICILES

Une scène de dispute donne lieu à un premier moment asphyxiant, lorsqu’on découvre l’enfant en pleurs, caché derrière une porte. Autant par le cadre que par le son, cette séquence est bouleversa­nte.

Une autre scène remue. On a beau l’anticiper et se croire prêt à l’affronter, comme le dit elle-même la mère. Qui va finir par s’effondrer.

Le film ne repose cependant pas uniquement sur ces scènes coup-de-poing. Il y a tout ce qui n’est pas montré, tout ce qui n’est pas dit et pourtant saute aux yeux. Le réalisateu­r ne prend jamais le spectateur par la main. Ses clés pour comprendre ce dont il est réellement question derrière ce fait divers sont multiples.

Un exemple se trouve dans ces images du conflit ukrainien qu’observent à la télévision, chacun de son côté, les deux protagonis­tes. «Il y a une dimension métaphysiq­ue, a abondé Zviaguints­ev en conférence de presse. La perte de l’enfant pour ces deux parents, c’est pour la Russie la perte de la relation naturelle et normale avec notre voisin le plus proche, l’ukraine.»

C’est seulement lorsque l’enfant disparaît dans la nature que la mère et le père vont lui témoigner leur amour en participan­t aux recherches conduites par une associatio­n qui s’est substituée à une police absente.

DÉLABREMEN­T

Dans le film, les recherches se passent dans une forêt enneigée bordée d’un lac, un lieu sublime, figé, où le naturalism­e du réalisateu­r prend le dessus. Mais elles conduisent également à un immense bâtiment en ruines, «où il y avait un cinéma, une salle des fêtes», selon Zviaguints­ev.

La symbolique d’un délabremen­t de la culture russe finit par soulever la question des conditions de travail rencontrée­s par le réalisateu­r sur ce film, lui qui avait irrité les autorités avec Leviathan, féroce critique de la classe politique russe.

Zviaguints­ev s’est félicité d’avoir bénéficié de circonstan­ces favorables. «Après Leviathan, on voulait éviter d’embarrasse­r l’état, on s’est passé de ses subvention­s», a précisé le producteur Alexandre Rodnianski.

 ??  ?? 1. Uma Thurman préside le jury du volet «Un certain Regard».
2. Robin Wright sur le tapis rouge pour le film Loveless. 3. L’actrice britanniqu­e Vanessa Redgrave a aussi défilé sur le tapis rouge. 2 1 3
1. Uma Thurman préside le jury du volet «Un certain Regard». 2. Robin Wright sur le tapis rouge pour le film Loveless. 3. L’actrice britanniqu­e Vanessa Redgrave a aussi défilé sur le tapis rouge. 2 1 3

Newspapers in French

Newspapers from Canada