Le Journal de Quebec

Immigrants, nous ?

- DENISE BOMBARDIER denise.bombardier@quebecorme­dia.com

Rien ne nous sera épargné. Montréal est en fête et cette commémorat­ion de la fondation de Ville-marie par nos ancêtres français permet au maire Denis Coderre de conclure que «nous sommes tous des immigrants». Tous, mais d’abord et avant tout les Canadiens français de souche. On a bien compris le message.

Le maire n’en est pas à un raccourci près lorsqu’il veut nous faire part de la réflexion qui inspire ses initiative­s. Pour comprendre sa vision orthodoxe du multicultu­ralisme, ne l’oublions pas, puisque Denis Coderre a été dans une vie antérieure ministre libéral à Ottawa. Le multicultu­ralisme s’est développé et s’est épanoui, si l’on peut dire, pour en arriver à cette création surprenant­e qu’est le Canada post national tant vanté et incarné par Justin Trudeau. Dans ses voyages à l’étranger, il commande l’admiration de nombre de gens qui ignorent par ailleurs ce qu’est le Canada en dehors des clichés. Et c’est à l’initiative de Pierre-elliot Trudeau, père de la Charte des droits que le multicultu­ralisme, cette réponse au nationalis­me québécois, s’est imposé. Que Denis Coderre prenne ses aises avec l’histoire et nos ancêtres français ne devrait donc pas nous surprendre.

Quel paradoxe tout de même de lancer le message aux immigrants de conserver leur culture d’origine et d’exiger des Québécois de souche qu’ils se fondent, eux, dans cette diversité culturelle canadienne en marche

EXPANSION FRANÇAISE

Le hic est que les Français venus coloniser le Canada n’étaient pas des immigrants. Ils ne fuyaient pas leur pays. Ils voulaient l’agrandir jusqu’en ces contrées lointaines sur lesquelles ils misaient pour s’enrichir. Pour imposer leur civilisati­on également. Il s’agissait, pour ces navigateur­s qui étaient des aventurier­s et pour ces missionnai­res animés d’une foi vibrante et conquérant­e, de prendre possession du territoire au nom du roi de France. Ils ne se déracinaie­nt donc pas, ils s’installaie­nt tout simplement dans des terres qu’ils s’appropriai­ent, parfois en négociant des traités avec certaines tribus. Comme les Anglais l’ont fait euxmêmes à l’intérieur de leur empire.

PROCÈS

Le procès du colonialis­me de ces grands empires a déjà été fait. Avec raison, d’ailleurs. Mais on ne peut pas réécrire l’histoire selon les critères moraux d’aujourd’hui. Les idéologues qui plaquent notre réalité actuelle à la lecture de celle du passé en arrivent, eux, à conclure que nous, les Blancs, sommes criminels de tous les malheurs du monde. En prenant possession de la Nouvelle-france, nous serions devenus les initiateur­s du génocide des autochtone­s et à ce jour, nous en demeurons les coupables.

Cette petite phrase prononcée par le maire Coderre pour bien montrer son ouverture aux communauté­s culturelle­s du Québec d’aujourd’hui est une façon de dénoncer insidieuse­ment les Québécois qui se revendique­nt de leur histoire, de leur culture propre et de leurs ancêtres, qui ont bâti ce pays. C’est une invitation à un déracineme­nt collectif de la majorité francophon­e. Quel paradoxe tout de même de lancer le message aux immigrants de conserver leur culture d’origine et d’exiger des Québécois de souche qu’ils se fondent, eux, dans cette diversité culturelle canadienne en marche.

Et si les Québécois, par leur silence et leur mémoire défaillant­e, donnaient raison au maire Coderre?

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