Le Journal de Quebec

La CAQ et le syndrome de 2002

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La remontée de la CAQ, confirmée par notre sondage Léger d’aujourd’hui, suscitera la joie dans le parti, mais sera en même temps source de plusieurs craintes à l’interne. Avec raison.

De bons sondages n’ont pas que de bons côtés pour un parti. Dans l’opinion publique, il faut «monter» au bon moment. Pas trop vite. Pas trop lentement. On doit consolider les appuis. Rien d’évident ici, surtout avec notre mode de scrutin uninominal à un tour.

L’ancêtre de la CAQ, l’action démocratiq­ue du Québec, l’a appris à la dure. Il y eut par exemple la fièvre 2002. D’avril à fin juin de cette annéelà, L’ADQ bouleverse le paysage politique en remportant quatre élections complément­aires. Créé en 1994, le parti n’avait jusque là réussi à faire élire, en 1994 et en 1998, qu’un seul député, son chef Mario Dumont.

En 2002, il avait presque totalement renoncé au nationalis­me et s’était concentré sur une critique du modèle québécois qui, après près de 9 ans de gouverneme­nt péquiste, faisait mouche.

Propulsé dans les sondages cette année-là, il fit rapidement figure de solution de remplaceme­nt. Une figure quasi impossible à défendre; ingrate. Même si on n’a jamais été au pouvoir, il faut sans délai présenter un programme de gouverneme­nt cohérent, réaliste, mais qui en même temps se démarque de celui du parti dirigeant. Il faut avoir réponse à tout. L’ADQ s’y est brûlée. Alors qu’en 2002, on lui prédisait de former le gouverneme­nt, au scrutin du 14 avril 2003, il ne fit élire que quatre députés (pour 18,24 % des suffrages).

ADN

Est-ce le destin qui attend la CAQ? Difficile à dire. Les deux partis ont de L’«ADN» en commun. Centrés surtout sur leur chef, ils veulent rompre avec l’axe souveraini­ste-fédéralist­e. Ils se situent plutôt au centre droit sans en faire une obsession; ce n’est pas ce qu’on peut appeler des partis «idéologiqu­es».

Sur d’autres aspects, ils diffèrent. Si L’ADQ faisait souvent penser à une aile jeunesse partisane ayant formé un parti, la CAQ compte à sa tête un ancien ministre, des parlementa­ires d’expérience. Dans les officines, elle compte sur des conseiller­s aguerris, qui ont connu les arcanes des pouvoirs politique, juridique et médiatique. Depuis sa création, elle a souvent choisi la posture de proposeur d’idées, de solutions. Plusieurs ont d’ailleurs été reprises par le gouverneme­nt de Philippe Couillard. Ce dernier, de façon narquoise et presque condescend­ante, aime bien d’ailleurs le rappeler à l’occasion.

FIÈVRE OU NON ?

Cette profondeur garantitel­le à la CAQ d’éviter le syndrome de 2002? Ou encore celui de 2007? Autre fièvre, électorale celle-là, qui a propulsé L’ADQ dans l’opposition officielle. La CAQ a aussi l’expérience bien à elle de flambées dans les sondages — comme à ses débuts en 2011 — dont les souvenirs d’écrasement subséquent­s peuvent très bien enlever tout goût de pavoiser. D’où l’extrême prudence de François Legault. Dans les 17 prochains mois toutefois, il serait surprenant que les tendances indiquées par les sondages conduisent à des fièvres très fortes. Tout annonce que l’électorat francophon­e continuera à se diviser profondéme­nt, ce qui favorisera objectivem­ent le Parti libéral. La seule option pouvant provoquer une vraie fièvre et un réel changement de donne, nous indique notre sondage, serait la naissance d’une coalition CAQ-PQ. Perspectiv­e très hypothétiq­ue, et extrêmemen­t improbable, même si cela semble bien être, actuelleme­nt, l’option d’une majorité de Québécois.

 ??  ?? La CAQ de François Legault s’apprête-t-elle à se consumer dans une fièvre comme celle où L’ADQ s’est brûlée en 2002 ?
La CAQ de François Legault s’apprête-t-elle à se consumer dans une fièvre comme celle où L’ADQ s’est brûlée en 2002 ?

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