Le Journal de Quebec

Meurtrier allégué libéré

Les délais étaient bien trop longs pour une cause si simple, tranche le juge

- Michaël Nguyen l Mnguyenjdm - Avec la collaborat­ion de Kathryne Lamontagne michael.nguyen@quebecorme­dia.com f 514.599.5888 8010

Un homme accusé d’un sordide homicide à coups de machette a réussi à s’en sortir sans procès, en raison des interminab­les délais qui plombent les tribunaux.

Van Son Nguyen, 52 ans, attendait depuis 2013 d’être jugé pour un meurtre commis dans une plantation de pot, à Saint-michel. Mais l’attente était beaucoup trop longue, a tranché le juge Daniel W. Payette hier au palais de justice de Montréal.

«L’un des fondements [de notre société] consiste en un système de justice qui s’assure que les personnes qui doivent subir un procès soient traitées avec équité et justice […] et que ceux qui contrevien­nent à la loi soient rapidement traduits en justice», a dit le juge.

Et ce droit à un procès dans un délai raisonnabl­e n’est pas nouveau, ajoute-t-il. Sans ça, la confiance de la société envers le système judiciaire en serait affectée, selon le magistrat.

Van Son Nguyen est le troisième accusé au Québec à profiter du fameux ar- rêt Jordan de la Cour suprême, qui limite les délais pour qu’un accusé soit jugé.

34 COUPS DE MACHETTE

Le meurtre qui était reproché à Nguyen était particuliè­rement sordide, puisqu’il aurait asséné 34 coups de machettes à sa victime. Mais la gravité du geste ne justifiait pas la violation de son droit à un procès dans des délais raisonnabl­es, a tranché le juge.

«Au contraire, les crimes graves représente­nt ceux que l’état doit voir à juger rapidement pour préserver la confiance du public», a-t-il dit.

Le juge a rappelé que le système a échoué à faire procéder ce dossier, qui était pourtant «particuliè­rement simple» à traiter, mais où les délais n’ont cessé de s’accumuler.

DÉPORTATIO­N

Même si l’accusation de meurtre au deuxième degré est tombée, Van Son Nguyen ne sera probableme­nt pas libéré, puisqu’il ne détient pas la citoyennet­é canadienne.

Ce Vietnamien d’origine est un boat people qui, après avoir séjourné dans un camp de réfugiés, a obtenu l’asile en Angleterre.

Il s’était installé au Canada afin de rejoindre son ex-conjointe, et c’est cette dernière qui l’avait présenté à la victime qui s’occupait de la plantation de pot où le meurtre aurait été commis.

CLAUSE DÉROGATOIR­E

Mes Ngoc Thang Nguyen et Catherine Ranalli de la défense n’ont pas souhaité commenter la décision, tout comme Me Jacques Dagenais de la Couronne.

Les partis d’opposition, de leur côté, ont à nouveau demandé au gouverneme­nt d’utiliser la clause dérogatoir­e afin de se soustraire à l’arrêt Jordan.

«Ça va prendre encore combien d’accusés de meurtre [...] avant que le gouverneme­nt fasse la chose responsabl­e dans les circonstan­ces: utiliser la clause dérogatoir­e comme on le lui demande depuis maintenant des mois?», a réagi Véronique Hivon, porte-parole pour le Parti québécois en matière de justice.

Elle a joint sa voix à Québec solidaire et à la CAQ, qui se sont déjà prononcés en faveur d’une telle mesure. Le porteparol­e caquiste en matière de justice, Simon Jolin-barrette, a d’ailleurs déposé jeudi un projet de loi visant à appliquer cette clause sur une période de 12 mois.

«Ça devient d’autant plus urgent d’appeler notre projet de loi», a-t-il dit.

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Van Son Nguyen (en mortaise) attendait son procès pour un meurtre allégué à coups de machette, dans le quartier Saint-michel.
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Me NGOC THANG NGUYEN Avocat
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