Larmes d’amour
Cela vous est arrivé aussi, je le sais.
Vous reconduisez votre fille de 15 ans à un party. Elle est gênée que vous soyez là.
Vous restez dans l’auto. La honte absolue serait que vous descendiez pour aller dire merci aux parents qui accueillent les jeunes.
Quand vous retournez la chercher, il faut texter pour prévenir de votre arrivée.
Ne traînez surtout pas devant la porte. Ses copines pourraient vous voir.
INNOCENCE
Le carnage à Manchester est survenu à la fin d’un concert d’ariana Grande, une artiste que je ne connaissais pas, mais dont les fans semblent très jeunes.
La bombe a éclaté dans le hall d’entrée, au moment où ces jeunes sortaient.
Peut-on concevoir des victimes plus innocentes que celles-là?
Non, et c’est justement la perversité absolue du terrorisme: il n’est pas nécessaire d’être coupable de quoi que ce soit pour être assassiné.
Il paraîtrait qu’il faut chanter du John Lennon, ne surtout pas haïr, jouer à Jésus...
Il devait y avoir plein de parents à l’extérieur de l’aréna, des gens comme vous et moi, qui attendaient pour ramasser leurs ados, se demandant entre eux, en rigolant, quand ils devraient cesser de se cacher pour ne pas leur faire honte.
Être parent, c’est piquer des colères devant des assiettes dont la sauce colle parce qu’elles n’ont pas été rincées.
C’est demander pour la 144e fois que le linge soit ramassé ou mis dans la corbeille du lavage.
Quand vous vous résignez à faire vous-même le ménage d’une chambre devenue un dépotoir municipal, vous découvrez des bas sales, tous de couleurs différentes, qui doivent être là depuis huit mois.
Au moins, on pourra maintenant les matcher avec les autres bas orphelins.
Être parent, c’est être tenaillé par l’angoisse lors des premières sorties de vos enfants.
Tu vas où? Qui sera là? Qui conduit? Il boit, lui? Tu reviens quand?
C’est fixer le plafond à trois heures du matin et ne s’endormir que lorsque vous entendez finalement la clé dans la porte.
C’est sourire quand vous retrouvez les boîtes de Kraft Dinner vides le lendemain matin. Au moins, elle est rentrée saine et sauve.
Vous relativisez alors la vaisselle collante, le linge qui traîne et les éclats de rire provoqués par des vidéos idiotes pendant que vous essayez de vous concentrer pour écrire une chronique qui passera à l’histoire.
AMOUR
Le surlendemain matin, vous lèverez le ton par crainte qu’elle manque l’autobus… encore.
Le soir, vous prendrez l’auto pour aller porter le cahier scolaire qu’elle a oublié en allant chez une copine pour prétendre y étudier. Ne vous attardez surtout pas.
Imaginez ces parents de Manchester qui attendaient leurs enfants à la maison ou à la sortie du concert, pensant sans doute à cette routine parentale, banale et merveilleuse.
Collons les nôtres bien fort.