Le Journal de Quebec

Le grand schisme souveraini­ste

- cantoine. robitaille @quebecorme­dia.com

Le schisme est consommé entre le Parti québécois et Québec solidaire. Sera-ce une déchirure fatale pour le mouvement souveraini­ste?

Les grands schismes ont des effets durables. Celui qui divisa les Églises d’occident et d’orient en 1054, par exemple… Catholique­s et orthodoxes n’ont pas «reconvergé» depuis, comme on le sait. Il pourrait bien en être de même de l’église souveraini­ste au Québec!

Je rigole, mais à l’échelle de la politique québécoise, c’est un événement de même nature (ou presque) qui s’est produit en trois temps cette semaine.

D’abord, il y eut le rejet par les militants de QS de toute alliance électorale avec le PQ. Ensuite, cette entente sur la démarche souveraini­ste au sein des Organisati­ons unies pour l’indépendan­ce du Québec, signée, gardée secrète avant le congrès de QS, puis finalement reniée par QS. Enfin, la conférence de presse d’hier de JeanFranço­is Lisée et de Véronique Hivon.

«Depuis deux jours, je me sens profondéme­nt trahie», y a insisté la mère de l’aide médicale à mourir.

Hivon n’est pas du type chicanier. C’est une sorte de politicien­ne non politicien­ne. «Elle est bonne, Véronique, mais ce serait bien qu’elle fasse de la politique», a-t-on même déjà entendu dans les cercles péquistes. Alors que les colères feintes sont si courantes en politique, celle d’hivon, hier, semblait venir des tripes.

La colère du chef Lisée exsudait davantage de tactique, évidemment, mais avait quelque chose de senti: «Québec solidaire a démontré qu’il n’était pas digne de porter l’espoir du changement au Québec, par son absence de transparen­ce, par le remaniemen­t de signature, par les propos complèteme­nt injustes tenus pendant son congrès.»

TABLER SUR LE RESSAC

Le but du chef du PQ: tabler sur un certain ressac anti-qs qui a suivi le vote de dimanche. Espérer que de nombreux électeurs de QS parmi les 87 % qui s’étaient déclarés favorables à la convergenc­e (dans notre sondage Léger) décideront de rejoindre «le grand parti fondé par René Lévesque», comme il l’a rappelé hier.

La tentative est probableme­nt vouée à l’échec. D’abord et avant tout parce qu’à court terme, à l’élection partielle de lundi, Gabriel NadeauDubo­is deviendra le député de Gouin. L’élection du plus radical et polarisant des leaders étudiants de 2012 attirera l’attention et fera oublier rapidement le manque de solidarité des solidaires. Le grand public y verra une autre «chicane de souveraini­stes» qui sera vite oubliée.

LA MORT D’UNE VIEILLE IDÉE

L’idée d’une convergenc­e entre les souveraini­stes de gauche était très ancienne. Dès la course à la direction du PQ de 2005 — avant même la naissance de Québec solidaire—, Pauline Marois avait surpris en évoquant la possibilit­é d’avoir des candidatur­es communes entre le PQ et le petit parti de gauche à naître de la fusion de L’UFP et d’option citoyenne. Désormais, la bataille entre les souveraini­stes risque d’être aussi intense — sinon plus — qu’entre eux et les partis non souveraini­stes. Le narcissism­e des petites différence­s, selon l’expression de Freud, alimentera les luttes les plus féroces. Jean-françois Lisée finira par en appeler aux «"progressis­tes", aux féministes, aux pacifistes, aux altermondi­alistes, pour qu’ils se rallient au Parti québécois»… comme André Boisclair en 2007! Certains rappellero­nt peut-être alors le commentair­e de Jacques Parizeau lors de la naissance de QS: «On échoue quand on permet à de nouveaux partis souveraini­stes ou à de nouveaux mouvements souveraini­stes d’apparaître. C’est un échec.»

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Alors que les colères feintes sont si courantes en politique, celle de Véronique Hivon, hier, semblait venir des tripes.

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