Le Journal de Quebec

Payer de sa vie

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Le 22 mai dernier, j’ai appris qu’une explosion avait eu lieu à l’aréna de Manchester, quelques minutes après que 20 000 spectateur­s se furent époumonés en chantant le refrain de Dangerous Woman, interprété­e par Ariana Grande. Dévastée, je regarde les nouvelles à la télévision. Puis je me couche et me réveille le lendemain pour une nouvelle journée alors qu’au moins 22 personnes resteront à jamais endormies.

Assise dans mon autobus le lendemain, j’ai pensé que c’était injuste. Injuste que je sois en route vers l’école, alors que pour 22 personnes, l’ultime destinatio­n fut cet aréna de Manchester. Pendant ma journée, j’étais frustrée. Frustrée que personne n’en parle. Frustrée que certains ne soient même pas au courant du drame qui s’était produit. Comment pouvions-nous continuer à vivre notre parfait bonheur alors que 22 familles étaient en deuil? Comment pouvions-nous parler sans remords de nos petits tracas alors que des innocents venaient de perdre la vie?

Moi aussi, c’est ma chanteuse favorite. Dix semaines plus tôt, c’était moi qui assistais à ce spectacle au Centre Bell. Je me vois encore chanter One Last Time et danser sur Greedy. À la fin de la soirée, je me sentais bien, libre, heureuse. C’est ce que des milliers de personnes ont dû ressentir lundi, après que la dernière note eut résonné dans l’amphithéât­re. Or, cette euphorie n’a pas duré. Alors que je continue d’écouter Side to Side, pour certains, c’est avec un large sourire aux lèvres devant Ariana Grande qu’ils l’ont chantée pour la dernière fois.

Nous avons tous payé un prix pour assister à ce spectacle, soit par l’entremise de cadeaux, d’heures de travail ou d’économies. Mais pour 22 personnes, le prix fut trop élevé. Vingt-deux personnes ont payé beaucoup trop cher. Vingt-deux personnes ont payé de leur vie pour assister à la tournée de leur idole.

Une chose est certaine, nous ne pourrons jamais rembourser ces victimes. Mais nous devons rentabilis­er les pertes, donner une valeur à ces frais. Assurons-nous que ces dépenses ne deviennent pas inutiles, qu’elles ne soient pas oubliées. Faisons en sorte que plus jamais quelqu’un ne doive payer un tel prix pour assister à un spectacle.

Alors, nous pourrons croire aux paroles qu’ariana Grande chante à son arrivée sur scène:

« Daylight is so close. So don’t you worry ’bout a thing. We’re gonna be alright. » Ève Ménard, 17 ans

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