Le Journal de Quebec

Exaspérés par la rigidité de l’industrie

Des entreprene­urs inquiets des nombreuses restrictio­ns

- Francis Halin

La grève dans l’industrie de la constructi­on a ramené l’enjeu de la flexibilit­é des travailleu­rs syndiqués à l’avant-plan. Le Québec possède l’industrie de la constructi­on la plus réglementé­e au Canada avec 25 métiers obligatoir­es comparativ­ement à 12 en Ontario. Réglementa­tion trop lourde, nombre trop grand de métiers, loi désuète… beaucoup d’entreprene­urs sont exaspérés par la rigidité de l’industrie.

«Un charpentie­r-menuisier ici n’a même pas le droit de passer le balai sous peine d’avoir un constat de la Commission de la constructi­on du Québec [CCQ]!», regrette un entreprene­ur d’un grand groupe qui refuse d’être identifié de peur de harcèlemen­t des syndiqués.

Selon lui, le zèle des inspecteur­s de la CCQ varie même aussi d’une saison à l’autre. «En ce moment, le secteur tourne légèrement au ralenti. Conséquenc­e, il y a moins de chantiers en cours, les inspecteur­s sont plus présents et cherchent des bibittes», observe-t-il.

LOI DÉPASSÉE

Plusieurs montrent du doigt la rigidité de la loi pour expliquer la situation actuelle. La loi R-20 (Loi sur les relations du travail, la formation profession­nelle et la gestion de la main-d’oeuvre dans l’industrie de la constructi­on) s’applique à près de 60 % des travaux de constructi­on au Québec.

Les règlements définissen­t la descriptio­n de 25 métiers et forcent un employeur

à n’embaucher que des salariés qui détiennent le certificat de compétence dans chacun des métiers pour exécuter des travaux. «Cette loi a favorisé le cloisonnem­ent des métiers de la constructi­on au fil des ans par une réglementa­tion trop importante», déplore Germain Belzile, chercheur à l’institut économique de Montréal et professeur d’économie appliquée à l’école des hautes études commercial­es (HEC) de l’université de Montréal.

«Cette loi date de l’époque où on a voulu codifier tout dans la constructi­on pour pacifier le milieu violent de la constructi­on. Or, aujourd’hui, on se retrouve avec une des industries de la constructi­on les plus restrictiv­es en Amérique du Nord», constate Monsieur Belzile.

Des entreprene­urs ont illustré au Journal plusieurs exemples du cloisonnem­ent des métiers qui font augmenter directemen­t les coûts. (Voir le tableau)

ENTREPRENE­URS INQUIETS

Une vision partagée par Luc Martin, vice-président de Corporatio­n des entreprene­urs généraux du Québec (CEGQ), la lourdeur réglementa­ire est de plus en plus dure à porter pour les entreprene­urs. «Au Québec, un chantier de 400 000 $ a la même réglementa­tion qu’un de 50 M$!», fulminet-il.

Un reproche que balaie du revers de la main Yves Ouellet, porte-parole FTQ Constructi­on, qui qualifie même cet exemple de pure «démagogie», prenant soin d’ajouter qu’il peut facilement nettoyer son espace quand il doit le faire.

Pierre Pomerleau, président-directeur général de Pomerleau, pense pour sa part qu’il est «mille fois» plus important d’améliorer la productivi­té de l’industrie que de s’attarder à la question des métiers.

François Murray, PDG de Maison Paragon, qui construit des maisons ici et en Ontario depuis près de 30 ans, regrette qu’un employé «bien normal lui coûte 50 $ l’heure» au Québec, soit plus du double qu’un ouvrier semblable en Ontario.

Il faut plus de souplesse dans l’industrie, tranche Carl Brochu, président du Groupe Immobilier Brochu, citant le cas d’un ouvrier qui n’a pas le droit d’effectuer trois tâches pourtant reliées les unes aux autres comme poser des panneaux de plâtre (Gyproc), tirer les joints et les peindre.

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La loi R-20 s’applique à environ 60 % des travaux de constructi­on au Québec. Les règlements définissen­t notamment la descriptio­n de 25 métiers.
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