Exaspérés par la rigidité de l’industrie
Des entrepreneurs inquiets des nombreuses restrictions
La grève dans l’industrie de la construction a ramené l’enjeu de la flexibilité des travailleurs syndiqués à l’avant-plan. Le Québec possède l’industrie de la construction la plus réglementée au Canada avec 25 métiers obligatoires comparativement à 12 en Ontario. Réglementation trop lourde, nombre trop grand de métiers, loi désuète… beaucoup d’entrepreneurs sont exaspérés par la rigidité de l’industrie.
«Un charpentier-menuisier ici n’a même pas le droit de passer le balai sous peine d’avoir un constat de la Commission de la construction du Québec [CCQ]!», regrette un entrepreneur d’un grand groupe qui refuse d’être identifié de peur de harcèlement des syndiqués.
Selon lui, le zèle des inspecteurs de la CCQ varie même aussi d’une saison à l’autre. «En ce moment, le secteur tourne légèrement au ralenti. Conséquence, il y a moins de chantiers en cours, les inspecteurs sont plus présents et cherchent des bibittes», observe-t-il.
LOI DÉPASSÉE
Plusieurs montrent du doigt la rigidité de la loi pour expliquer la situation actuelle. La loi R-20 (Loi sur les relations du travail, la formation professionnelle et la gestion de la main-d’oeuvre dans l’industrie de la construction) s’applique à près de 60 % des travaux de construction au Québec.
Les règlements définissent la description de 25 métiers et forcent un employeur
à n’embaucher que des salariés qui détiennent le certificat de compétence dans chacun des métiers pour exécuter des travaux. «Cette loi a favorisé le cloisonnement des métiers de la construction au fil des ans par une réglementation trop importante», déplore Germain Belzile, chercheur à l’institut économique de Montréal et professeur d’économie appliquée à l’école des hautes études commerciales (HEC) de l’université de Montréal.
«Cette loi date de l’époque où on a voulu codifier tout dans la construction pour pacifier le milieu violent de la construction. Or, aujourd’hui, on se retrouve avec une des industries de la construction les plus restrictives en Amérique du Nord», constate Monsieur Belzile.
Des entrepreneurs ont illustré au Journal plusieurs exemples du cloisonnement des métiers qui font augmenter directement les coûts. (Voir le tableau)
ENTREPRENEURS INQUIETS
Une vision partagée par Luc Martin, vice-président de Corporation des entrepreneurs généraux du Québec (CEGQ), la lourdeur réglementaire est de plus en plus dure à porter pour les entrepreneurs. «Au Québec, un chantier de 400 000 $ a la même réglementation qu’un de 50 M$!», fulminet-il.
Un reproche que balaie du revers de la main Yves Ouellet, porte-parole FTQ Construction, qui qualifie même cet exemple de pure «démagogie», prenant soin d’ajouter qu’il peut facilement nettoyer son espace quand il doit le faire.
Pierre Pomerleau, président-directeur général de Pomerleau, pense pour sa part qu’il est «mille fois» plus important d’améliorer la productivité de l’industrie que de s’attarder à la question des métiers.
François Murray, PDG de Maison Paragon, qui construit des maisons ici et en Ontario depuis près de 30 ans, regrette qu’un employé «bien normal lui coûte 50 $ l’heure» au Québec, soit plus du double qu’un ouvrier semblable en Ontario.
Il faut plus de souplesse dans l’industrie, tranche Carl Brochu, président du Groupe Immobilier Brochu, citant le cas d’un ouvrier qui n’a pas le droit d’effectuer trois tâches pourtant reliées les unes aux autres comme poser des panneaux de plâtre (Gyproc), tirer les joints et les peindre.