Le Journal de Quebec

Simple Plan et le mal de vivre

- SOPHIE DUROCHER sophie.durocher @quebecorme­dia.com

Cette semaine, j’entendais un animateur radio qui réagissait à la nouvelle concernant le bassiste de Simple Plan qui souffre d’une dépression majeure. En gros, il a dit: «C’est fou, hein, ce gars-là joue avec un groupe hyper populaire, leurs fans les adorent, ils font des spectacles partout dans le monde, c’est difficile de croire qu’il est déprimé». Comme si le fait d’être riche, adulé et apprécié nous mettait à l’abri d’une maladie qui vous enlève le goût de vivre!

Ça montre bien à quel point il y a encore, en 2017, des tonnes de préjugés sur la maladie mentale. Imaginez-vous un animateur radio qui aurait dit: «Ce gars-là est très populaire, tout le monde l’aime, comment se fait-il qu’il est diabétique?»

LA GRANDE DÉPRIME

En faisant sa sortie publique pour annoncer qu’il souffre d’une dépression majeure et qu’il ne pourra pas suivre les autres membres de Simple Plan dans leur tournée européenne, David Desrosiers a fait preuve d’un grand courage. Et par la même occasion, il a rendu un immense service à tous ceux qui doivent vivre au quotidien avec une maladie «entre les deux oreilles».

Je pense en particulie­r au message que David Desrosiers a envoyé aux nombreux jeunes fans de Simple Plan. Quand tu es jeune, tu te penses invincible, immortel, solide comme le roc, à l’abri de tout. En leur confiant que lui, qui remplit des arénas aux quatre coins de la planète, est aussi fragile qu’un cerf-volant dont la corde se casse au vent, il vient de leur montrer qu’on porte tous en nous cette faiblesse. Personne n’est à l’abri d’un sale coup du destin, personne n’est à l’abri des idées noires.

Comme le disait Leonard Cohen dans sa fabuleuse chanson Anthem: «Il y a une faille dans toute chose, c’est par là qu’entre la lumière.»

J’espère que David Desrosiers va prendre tout le temps qu’il faut pour se soigner, prendre soin de lui et émerger de cette maladie. Mais j’espère qu’il sait à quel point son geste public a été important.

PAS TOUS ÉGAUX

Quand l’excentriqu­e et adorable animatrice Varda a publié son livre Maudite folle, elle parlait ouvertemen­t de sa manioaco-dépresison. Quand Florence K a sorti son livre Buena Vida, on a découvert ses tentatives de suicide et son internemen­t pendant cinq semaines en psychiatri­e.

Avant elles, il y a eu les témoignage­s publics de Normand Brathwaite, de Guy Latraverse ou de Stefie Shock.

Chaque fois, à chaque témoignage, on détruit les tabous, on déboulonne les mythes, on informe, on éduque, on apprend la tolérance, la compassion, la bienveilla­nce.

Chaque fois qu’une personnali­té publique fait son «coming out» et raconte les hauts et les bas de sa santé mentale, ça encourage une meilleure acceptatio­n.

Mais chaque fois, je me pose la question: si ces artistes étaient une serveuse dans un snack bar, un vendeur de voitures d’occasion ou un pigiste entre deux contrats, est-ce que leur entourage serait aussi prêt à les encourager? Estce que toutes les entreprise­s, tous les employeurs sont aussi conciliant­s quand un de leurs employés est en dépression?

Trop souvent, encore aujourd’hui, le D de la dépression est une lettre écarlate dans un dossier.

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