Le Journal de Quebec

Un coup de Jarnac du CRTC à la télé

- Guy Fournier guy.fournier@quebecorme­dia.com

Le renouvelle­ment des licences des grands groupes de télévision, le 17 mai, n'a pas empêché les Canadiens de dormir. Pour la bonne raison que le téléspecta­teur ordinaire ne s'intéresse pas aux décisions alambiquée­s du CRTC. L'important, c'est qu'en ouvrant son téléviseur, il trouve des émissions qui l'allument.

Dans l'industrie, c'est une autre paire de manches. Chaque décision du CRTC est scrutée à la loupe. Depuis le renouvelle­ment des licences des grands diffuseurs, le diable est aux vaches. S'ils le pouvaient, producteur­s, artisans, auteurs et artistes pendraient Jean-pierre Blais haut et court avant même qu'il termine son mandat, dans quelques jours.

Fait inusité, Luc Fortin, ministre de la Culture du Québec, est intervenu publiqueme­nt auprès de la ministre Mélanie Joly. Il demande qu'elle réexamine les décisions du CRTC et qu'elle envisage même de les annuler. À voir les réactions enflammées, on croirait que Blais vient de planter un dernier clou dans le cercueil de notre télé. On n'est pas plus tendre à son égard chez les anglophone­s.

QU'EN EST-IL, AU JUSTE?

Ce renouvelle­ment de licences a eu un effet immédiat. Corus a mis la hache dans trois projets de séries francophon­es. Un geste que Jean-pierre Blais n'a pas dû apprécier puisqu'il donne prise à tous ceux qui appréhende­nt le pire à la suite du renouvelle­ment des licences.

J'ai lu attentivem­ent les décisions du CRTC. À mon sens, aucune ne met réellement en danger l'avenir de notre télévision, francophon­e comme anglophone. L'encouragem­ent au doublage, il est vrai, pourrait défavorise­r notre production en encouragea­nt les diffuseurs à présenter des séries anglophone­s doublées plutôt que des séries étrangères.

C'est possible aussi que les avantages consentis aux production­s autochtone­s soient au détriment de celles faites par la minorité francophon­e hors Québec et la minorité anglophone de Montréal. On serait malvenu de se plaindre, car jusqu'à maintenant, notre télévision n'a pas fait la part plus belle qu'il faut aux Premières Nations.

PLACE AUX FEMMES

Le CRTC a aussi décidé de mettre les diffuseurs «sous surveillan­ce» quant à la place qu'ils accordent aux femmes. Il se réserve le droit de leur cogner sur les doigts, le cas échéant. Dans ce cas aussi, on serait malvenu de regimber.

Les diffuseurs de foi douteuse pourraient en profiter pour réduire leurs achats d'émissions canadienne­s, mais le CRTC, s'il est vigilant, aura toujours les moyens d'intervenir.

Dès l'arrivée de Mélanie Joly au cabinet, Ottawa a allongé 675 millions sur cinq ans à Radio-canada. On doublera durant la même période le budget du Conseil des arts. De nombreux organismes culturels ont eu droit à une bouffée d'air frais. Par la suite, Mme Joly a lancé sa grande consultati­on. Tout est sur la table: télécommun­ications, télévision, cinéma, mandat de Radio-Canada, droits d'auteur et tutti quanti.

Depuis ce moment, l'industrie de la télé, que Netflix et ses semblables fragilisen­t un peu plus chaque jour, est sur les dents. Tant que la ministre ne se sera pas fait une tête après les chantiers qu'elle a lancés, il y aura un gros malaise. Chaque rumeur et chaque décision soulèveron­t les pires craintes.

La ministre Joly est la seule qui puisse rassurer l'industrie. La controvers­e actuelle est la preuve flagrante que le temps presse.

TÉLÉPENSÉE DU JOUR

Le voisin à qui j'ai dit que je venais d'acheter une télévision plate m'a répondu: «Quant à moi, elle est toujours plate!»

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