Le Journal de Quebec

Un combat que je déteste

-

Jean Pascal contre Eleider Alvarez. Un combat que je déteste. Comme journalist­e, ça va. C’est une bonne histoire. Le vétéran qui joue le tout pour le tout contre un homme loyal qui attend depuis deux ans son dû.

Comme fan, ça devrait être encore mieux. On a deux noms très connus, Jean Pascal et Eleider Alvarez, et un résultat très incertain. Ce sont les deux questions fondamenta­les qu’un bon promoteur se pose toujours.

– Est-ce que les deux boxeurs sont connus? C’est oui.

– Connaît-on à l’avance le résultat. C’est non.

D’ailleurs, même si la vente des billets a démarré lentement, le rythme s’accélère depuis deux jours. Et à Montréal, vendre plus de 6000 tickets pour une soirée est devenu un exploit. On va y revenir beaucoup plus en profondeur.

Mais on peut déjà avancer que la promotion n’est certaineme­nt pas le problème. J’ai rarement vu un marketing aussi bien fait pour une soirée de boxe. Télé, radio, journaux, réseaux sociaux, rien n’est ménagé.

DEUX HOMMES AIMABLES

C’est comme personne que je déteste ce combat. J’aime beaucoup Jean Pascal et nous avons une relation dans la vie qui est faite de conversati­ons agréables, souvent pimentées par les remarques acérées de Pascal. L’ancien champion du monde n’en laisse pas passer une.

Quant à Eleider Alvarez, j’ai appris lentement à le découvrir. J’ai connu doucement par ce qu’il acceptait d’en dévoiler, l’histoire de sa femme, de sa fille, de sa famille et des amis qui continuent à vivre en Colombie. J’ai appris qu’il a enfin acheté le terrain sur lequel un jour, il va construire sa maison.

J’imagine un grand gaillard de 30 ans passer presque un an sans visiter son amoureuse et sa petite fille, devoir se contenter de Skype ou de Messenger pour se voir et se dire son amour et attendre le moment qu’on fait miroiter devant lui depuis deux ans.

Un combat de championna­t du monde qui pourrait le rendre à l’aise financière­ment et millionnai­re s’il devait gagner contre Adonis Stevenson.

Vous êtes un homme? Fermez les yeux et mettez-vous à sa place. Une femme? Comment pensez-vous qu’elle se sent quand il reprend l’avion pour venir affronter celui qu’on lui garroche entre elle et son rêve?

Et puis, il y a Jean Pascal. Il a affronté les plus grands. Vous le savez. Ça commence avec Carl Froch, ça passe par Chad Dawson, Adrian Diaconu et Bernard Hopkins et ça inclut deux terribles combats contre Sergey Kovalev.

RESTER UN GRAND

C’est simple. Jean Pascal a 34 ans. Honnêtemen­t, après sa deuxième défaite contre Kovalev, je souhaitais qu’il annonce sa retraite. Je n’aimais pas la façon dont il parlait quand il entrait chez lui. Et quand je le croisais dans des combats de boxe, je trouvais qu’il avait l’air d’un homme en quête de lui-même.

Depuis sept ou huit mois, ça va beaucoup mieux. Il s’est reposé. Il a récupéré. C’est le Jean Pascal vif d’esprit et à l’humour en clins d’oeil que je retrouve. Et je voudrais que ça reste ainsi.

Mais il a décidé de poursuivre sa carrière. Il doit gagner contre Eleider Alvarez. Sinon, il va descendre dans la catégorie des vétérans faire valoir qu’on offre à de jeunes loups affamés et talentueux. Je ne veux pas ça pour Pascal. Il a trop fait, il a été trop champion.

Mais pour éviter cette rétrograda­tion, il doit battre Alvarez. Et je vous l’ai dit, Alvarez est en standby depuis deux ans. Il aurait mérité d’affronter Adonis Stevenson. Et voilà qu’on lui demande de battre coup sur coup deux des trois plus grands champions que le Québec ait connus: Lucian Bute et Jean Pascal.

Pour seulement avoir le droit d’obte- nir un combat qu’il est déjà en droit d’avoir.

Je ne veux pas qu’il perde. Ce serait une profonde injustice.

Mais je ne veux pas que Jean Pascal perde non plus. La suite serait trop cruelle.

Je déteste ce combat. Vraiment.

 ??  ?? Une défaite d’eleider Alvarez (à droite) serait une profonde injustice. Mais je ne veux pas que Jean Pascal perde non plus. La suite serait trop cruelle.
Une défaite d’eleider Alvarez (à droite) serait une profonde injustice. Mais je ne veux pas que Jean Pascal perde non plus. La suite serait trop cruelle.

Newspapers in French

Newspapers from Canada