Le Journal de Quebec

Constituti­onnellemen­t sincère, M. Couillard ?

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Il est inévitable de prendre la nouvelle «Politique d’affirmatio­n du Québec» du gouverneme­nt Couillard avec une forte dose de scepticism­e. Mais nier quelque portion, fût-elle infime, de sincérité à l’entreprise serait injuste.

On a bien sûr envie d’être sceptique, voire cynique, face à la «politique d’affirmatio­n du Québec et de relations canadienne­s» Couillard-fournier.

Cet énoncé de principes n’a fait l’objet d’aucune consultati­on, ne contient pas grand-chose de nouveau malgré les grandes ambitions évoquées: on aspire à une «refondatio­n», rien de moins!

Dans la joute politique, le document tombe à point nommé pour un gouverneme­nt aux prises avec des questions embarrassa­ntes.

On le sait, Québec souhaitera­it un jour – après avoir «rebâti les conditions du dialogue» – obtenir une modificati­on constituti­onnelle par laquelle on reconnaîtr­ait formelleme­nt le caractère distinct du Québec. Mais il se garde bien de se fixer une date d’échéance. On n’est pas très loin des calendes grecques.

FIN DE NON-RECEVOIR

La similitude avec certains aspects de la plateforme constituti­onnelle de la Coalition avenir Québec est presque comique, comme le soulignait le chef péquiste Jean-françois Lisée jeudi.

La CAQ écrivait en 2015 que les grandes manoeuvres constituti­onnelles «ne doivent pas constituer le point de départ, mais au contraire le point d’arrivée».

Le PLQ écrit en 2017 que «la Constituti­on ainsi que les négociatio­ns visant à en modifier le contenu doivent être perçues comme le point d’arrivée de ce dialogue et non comme le point de départ».

Plagiat? Peut-être pas. Mais c’est là le signe d’une volonté de séduire des électeurs potentiels de la «nouvelle» CAQ nationalis­te.

Dernier (et non le moindre) des facteurs de cynisme: la fin de non-recevoir brutale d’ottawa, exprimée par Trudeau fils. Cinq ou six heures avant le point de presse de M. Couillard, le niet était déjà prononcé dans la capitale fédérale. Dans les provinces non plus, pas question d’ouvrir la loi des lois. À part en Saskatchew­an, où Brad Wall accepta... moyennant qu’on lui promette d’abord d’abolir le principe de péréquatio­n.

TOUCHANT

Devant ce mur du refus, la volonté exprimée sincèremen­t jeudi par Philippe Couillard a quelque chose de touchant. Je ne suis même pas cynique. Alors que sa base se méfie de ces questions comme la peste – voire s’en fout –, M. Couillard a eu un certain courage: depuis la campagne à la direction de 2012-2013, il a égrené ponctuelle­ment les déclaratio­ns ou promesses en ce sens. Dès sa victoire le 17 mars 2013, il formulait la volonté que le Québec réintègre le giron constituti­onnel à l’occasion du 150e du Dominion; il soutenait même à l’époque que le Québec devait prendre l’initiative (idée qu’il abandonna par la suite). Lors des élections de 2014, il revint brièvement sur le sujet; en l’enterrant rapidement. En 2015, devant les parlementa­ires ontariens, il rappela que le «caractère spécifique» du Québec devait être reconnu formelleme­nt. Puis il se tut sur la question. On a bien envie de donner la chance au coureur. Le statut politique du Québec est toujours insatisfai­sant et la question nationale n’a pas été réglée, il a raison. Mais les va-et-vient sur cette question, les hésitation­s, le manque apparent de résolution donnent l’impression d’un désir peut-être authentiqu­e, mais velléitair­e. Rien pour entamer le scepticism­e, convenons-en.

 ??  ?? Philippe Couillard et Jean-marc Fournier sont sûrement convaincus de la nécessité d’une réforme constituti­onnelle. Mais feront-ils vraiment ce qu’il faut pour faire progresser le dossier ?
Philippe Couillard et Jean-marc Fournier sont sûrement convaincus de la nécessité d’une réforme constituti­onnelle. Mais feront-ils vraiment ce qu’il faut pour faire progresser le dossier ?

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