Le Journal de Quebec

La piñata triste

- Mario dumont

Agréable jeu que la piñata dans une fête d’enfants. Plutôt que se taper dessus entre eux, tous les enfants tapent sur la même baudruche en papier. En rêvant d’en faire jaillir une pluie de bonbons. La société québécoise réagit de plus en plus de cette manière, immature face à ses problèmes.

Cette semaine, nous avons reçu en plein visage le rapport de l’observatoi­re des tout-petits sur la maltraitan­ce des enfants. Des chiffres terribleme­nt déprimants. Chaque jour, vingt nouveaux signalemen­ts fondés arrivent à la DPJ. Ça, c’est la partie visible de l’iceberg, les cas qui sont dénoncés.

Plus déprimant encore, la tendance est fortement à la hausse. Au cours des huit dernières années, le nombre de cas confirmés de maltraitan­ce chez les petits de moins de cinq ans a connu une augmentati­on de 27 %. Des statistiqu­es gênantes pour une société qui aime se répéter que les enfants sont ce qu’elle a de plus précieux.

VIES BRISÉES

Il y a de tout dans cette maltraitan­ce. Des enfants battus, négligés, mal nour- ris, laissés seuls à la maison, abusés sexuelleme­nt et quoi encore. Des vies hypothéqué­es dans plusieurs cas. Des cicatrices subies en si bas âge laissent des traces indélébile­s… et les cicatrices physiques ne sont souvent pas les pires.

Voilà qui devrait lancer un débat de société. Comment une société riche comme la nôtre peut-elle être aussi tout croche? Qu’est-ce qui arrive à bon nombre de parents du Québec? Des irresponsa­bles? Des gens brisés par la vie, laissés à eux-mêmes? Des égoïstes? Un peu de tout ça?

Les parents doivent se faire brasser, les grands-parents interpelle­r. Tout comme les familles et amis qui constatent qu’un papa ou une maman va mal. Il ne s’agit pas de blâmer des personnes vulnérable­s et sans ressources. Il s’agit, comme société, de se secouer les puces et de se demander ce que chacun peut faire pour éviter un portrait aussi pathétique de négligence des enfants.

LA VOIE DE LA FACILITÉ

Rien de cela ne s’est produit. Nous avons joué à la pathétique piñata en blâmant l’état. Le gouverneme­nt! Les partis d’opposition ont pointé du doigt une coupure de 20 millions à la DPJ durant le retour à l’équilibre budgétaire. Quel regard étroit sur la réalité!

20 millions de coupures, dont une partie s’est faite dans la bureaucrat­ie, seraient la cause d’une société où la maltraitan­ce des enfants progresse de façon honteuse! Ce n’est ni une analyse sé- rieuse ni un débat utile. Ce n’est que la manière lâche de parler du problème en ménageant la population, c’est-à-dire les électeurs.

D’autres groupes de la société ont joué le même jeu. Le gouverneme­nt! Les ministères! Les coupures! Une discussion vide, vide, vide.

Pendant que toute la société joue à la piñata en tapant sur l’état, espérant en faire tomber une manne de bonbons, des enfants continuent à subir un sort terrible.

Et si nos partis politiques avaient uni leurs voix pour déclarer cette situation une honte nationale qui nous interpelle tous? Ils auraient secoué la société, peut-être changé des choses, et gagné du respect.

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Chaque jour, vingt nouveaux signalemen­ts fondés arrivent à la DPJ. Et ce ne serait que la pointe de l’iceberg. Des chiffres déprimants concernant la maltraitan­ce d’enfants.
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