Le Journal de Quebec

Lestempsch­angent et nos goûts aussi...

- Vin Philippe Lapeyrie Collaborat­ion spéciale

La semaine dernière en dégustant quelques vins en rafale avec Mathieu, mon précieux collaborat­eur, je me suis rendu compte que je vieillissa­is... Perte de mémoire, surdité, manque de réflexe...? Non, pas du tout, je suis plus en forme à 43 ans que dans ma jeune trentaine! Je vieillis dans le sens où mes goûts en matière de vin ont totalement changé dans les 4-5 dernières années.

Un des meilleurs exemples est le fait que pendant tout près d’une décennie, j’ai louangé et salué les vins rouges de l’espagne, et ce, de façon assez fréquente sur différente­s tribunes. Des rapports qualité/prix/plaisir remarquabl­es, des vins goûteux, mûrs et généreux. Après deux journées complètes à analyser une centaine de produits de la péninsule ibérique (Espagne et Portugal) pour le marathon de dégustatio­n de notre prochain bouquin, je me rends compte de plus en plus que de nombreux rouges espagnols sont beaucoup trop boisés à mon goût.

Intenses arômes de vanille, de caramel, de noix de coco, de butterscot­ch... c’est de moins en moins ma «tasse de thé». Je ne les mets cependant pas tous dans le même panier, car ce pays élabore également de merveilleu­x flacons.

NOTRE PALAIS CHANGE

Même son de cloche pour les thématique­s de dégustatio­n des vins sud-africains, chiliens, australien­s ou argentins. On déniche souvent des petites perles qui nous accrochent le sourire au visage, mais ces cuvées ne sont habituelle­ment pas disponible­s en grande quantité sur les tablettes. Plusieurs vins de ces pays figuraient dans mes favoris à la fin des années 90 et au début des années 2000, mais plus maintenant. Est-ce qu’ils sont moins bons qu’auparavant? Suis-je devenu une fine gueule qui lève le nez sur certaines quilles? Je ne crois pas, non.

Notre palais change avec le temps. Est-ce qu’on peut dire qu’il s’affine? Peut-être que oui, mais une chose est sûre, je ne bois vraiment plus le même genre de vin qu’il y a 10 ou 15 ans.

Avec les copains du vin, on prend maintenant davantage notre pied à boire des vins du Beaujolais, du nord de l’italie, de la péninsule du Niagara, du Jura, de la rive gauche de Bordeaux, du nord de la Californie, de la Bourgogne, de la vallée de la Loire ou du Rhône. On évite le sucre, les copeaux de bois, les vins un peu trop «techno» faits par des gros producteur­s commerciau­x, et nous sommes davantage attirés par des vins plus fins, plus racés, plus élégants, plus acides et moins boisés.

Donc, oui, c’est tout à fait normal d’effectuer ses premiers pas vers le vin avec des produits fort parfumés, bien mûrs, de bonne concentrat­ion, aux saveurs persistant­es et affirmées ayant 10 ou 15 grammes de sucre résiduel par litre et pas trop d’acidité. C’est donc parfait que les bouteilles au contenu un peu plus «commercial» existent, car elles attirent de nouveaux disciples vers la divine bouteille.

Un jour, on se lasse des «vins de laboratoir­e» et on se dirige peu à peu vers des produits reflétant davantage leur terroir et faits par des «jardiniers», non par des multinatio­nales qui mettent en bouteille des cuvées «dessinées» pouvant faire plaisir à un public ciblé et un marché bien précis.

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