Notre télé a besoin de sa chaise à porteurs
Depuis les pharaons, et même encore aujourd’hui, on transporte rois, reines et hauts personnages sur des chaises à porteurs. C’est un peu ce qu’on fait avec notre télévision. Francophone ou anglophone, notre télévision est portée à bout de bras par les crédits d’impôt et les fonds d’aide.
Sans cette chaise «confortable» payée jusqu’à 60 % par les gouvernements et les abonnés de nos distributeurs de télé (ils versent 5 % de leurs revenus aux fonds d’aide), notre télévision n’arriverait pas à marcher. Elle se traînerait de peine et de misère comme au temps de Cré Basile, de Marisol ou de Peau de banane.
Il y a 20 ans, seulement Radio-canada pouvait produire des émissions comparables à celles qu’on importait d’ailleurs. Quant aux chaînes privées, l’ingéniosité des artisans et l’excellence des artistes n’arrivaient pas à faire oublier que c’étaient des émissions faites avec des bouts de chandelles.
Malgré ce que les nostalgiques peuvent croire, aucune des séries d’autrefois ne pourrait rivaliser avec Unité 9, Au secours de Béatrice, Blue Moon ou les autres. Même chose du côté anglophone. King of Kensington ne ferait pas le poids aujourd’hui.
UNE SITUATION FRAGILE
Qu’on mette fin aux crédits d’impôt ou qu’on démantèle les fonds d’aide et les téléspectateurs n’auraient plus grandchose à regarder. Des nouvelles, des magazines, des quizz et c’est à peu près tout. Resteraient les émissions sportives qu’on arrive encore à rentabiliser malgré les coûts exorbitants des droits des sports professionnels.
Les sommes que consacrent par obligation du CRTC nos distributeurs aux fonds d’aide ne cessent de diminuer, car de plus en plus de Canadiens se désabonnent ou gardent seulement l’internet. En cinq ans, le service satellite de Bell a perdu 30 % de ses abonnés, Shaw Cable 24 %, Rogers 20 %, Cogeco 15,7 % et Shaw Direct 9,6 %. Durant la même période, Vidéotron a réussi à augmenter ses abonnés de 1,8 % et Bell Fibe et Telus Optik ont gagné environ 2 millions d’abonnés. Mais ce n’est pas suffisant pour compenser.
POURQUOI PAS UNE REDEVANCE ?
Il ne fait aucun doute qu’il faudra bien, un jour ou l’autre, regarnir la chaise à porteurs de notre télévision. Je suis de plus en plus convaincu qu’ottawa n’obligera ni Netflix ni ses semblables à contribuer à la production de contenu canadien. Je doute même qu’on les soumette à la TPS et la TVQ. Enfin, je serais surpris que le gouvernement fédéral envisage d’augmenter sa contribution annuelle de 134 millions $ au Fonds des médias. Les ventes de nos émissions à l’étranger augmenteront un peu, mais jamais assez pour suppléer au manque à gagner des distributeurs canadiens. D’où viendra alors l’argent? Ottawa pourrait consentir à verser pour la création de contenu canadien un pourcentage des revenus qu’il tire de la vente aux enchères de spectres d’ondes, mais ce qu’il reste à vendre est limité. Pourquoi ne pas imposer sur la vente des téléviseurs, des tablettes et des téléphones intelligents une redevance qui serait versée directement à la production de contenu canadien? Le Québec l’a déjà fait pour les cassettes vidéo. On s’est aussi habitué à payer un droit pour chaque pneu neuf, droit qui sert à rembourser son recyclage éventuel. La télé est sûrement aussi essentielle que les pneus… même si elle se promène sur une chaise à porteurs!
TÉLÉPENSÉE DU JOUR
Entendu à la radio parlée un auditeur commenter les dangers des «gaz de schismes» et ce n'était pas une émission religieuse!