Le Journal de Quebec

Des bulletins sans notes

LE JOURNAL en colombie-britanniqu­e

- Daphnée Dion-viens l daphneedv

« Est-ce qu’il y a trop d’examens ? Est-ce qu’on évalue adéquateme­nt ? Est-ce qu’on évalue pour les bonnes raisons ? » — Le ministre de l’éducation, Sébastien Proulx, alors qu’il annonçait mardi son intention de tenir une vaste réflexion sur l’évaluation des élèves.

SURREY, C.B. Alors que Québec veut revoir la politique d’évaluation des élèves, la Colombie-britanniqu­e fait figure de pionnière en la matière. Des écoles remplacent les traditionn­els bulletins par des portfolios numériques sans notes, une tendance dont le Québec devrait s’inspirer, selon un expert.

Dans la classe de Mme Kelli, à l’école primaire Cambridge, les élèves de troisième année ont appris à télécharge­r eux-mêmes des photos et des vidéos de leur travail en classe dans l’applicatio­n Freshgrade, qui remplace désormais le bulletin habituel.

Après avoir reçu une notificati­on sur leur téléphone cellulaire, les parents peuvent consulter le contenu disponible en ligne et ajouter leurs commentair­es à ceux de l’enseignant­e et de l’élève, qui doit s’autoévalue­r tout au long de l’année (voir autre texte).

«C’est vraiment une fenêtre sur la classe que l’on offre aux parents», affirme Antonio Vendramin, directeur de l’éducation au conseil scolaire de Surrey, situé en banlieue de Vancouver.

Dans ce conseil scolaire qui est le plus populeux de la province, la majorité des enseignant­s du primaire ont volontaire­ment remplacé le bulletin par le portfolio. D’autres conseils scolaires ont aussi emboîté le pas si bien qu’à l’échelle canadienne, la province est maintenant reconnue pour son innovation en la matière, selon l’institut pour l’éducation publique de la Colombie-britanniqu­e.

SANS LETTRES NI POURCENTAG­ES

En remplaçant le bulletin par des portfolios, qu’ils soient papier ou numériques, les enseignant­s du primaire ont aussi remplacé les lettres de AàE par des mentions indiquant si les objectifs ont été atteints partiellem­ent, complèteme­nt ou s’ils ont été dépassés (voir encadré).

«Avec les bulletins traditionn­els, les parents et les élèves ne regardaien­t souvent que les notes, sans lire les commentair­es sur comment s’améliorer et c’était une frustratio­n pour les enseignant­s», explique David Vandergugt­en, directeur de l’éducation au conseil scolaire de Maple Ridge-pitt Meadows.

Dans ce conseil scolaire, toutes les écoles ont volontaire­ment choisi d’abandonner les notes. Le portfolio numérique est accompagné de deux rencontres par année avec l’enseignant, les parents et l’élève, qui durent une trentaine de minutes.

À CONTRE-COURANT AU QUÉBEC

André-sébastien Aubin, professeur spécialisé en évaluation à L’UQAM, voit d’un bon oeil ce type d’évaluation 2.0.

Or, avec son bulletin chiffré unique, le Québec est à contre-courant de cette tendance qui s’inscrit plutôt dans l’esprit de la réforme scolaire implantée ici au début des années 2000. «On était des défricheur­s», lance-t-il.

Mais pour différente­s raisons, la réforme et ses nouveaux bulletins ont suscité beaucoup de grogne et de mécontente­ment, si bien que le gouverneme­nt a réintrodui­t le bulletin chiffré pour tous, en 2012.

Or, ce bulletin traditionn­el est davantage un formulaire administra­tif qu’un outil d’apprentiss­age, souligne M. Aubin. «La recherche montre que ce qui est le plus utile pour aider un élève, c’est d’enlever les notes et de ne lui donner que des commentair­es», affirme-t-il.

SURREY, C.B. | Contrairem­ent au Québec, tous les élèves de la Colombie-Britanniqu­e doi vents’ auto évaluer de la maternelle à la fin du secondaire, et les profs leur enseignent comment le faire.

La forme varie d’une école à l’autre, mais le principe reste le même: responsabi­liser l’élève par rapport à ce qu’il apprend en classe et ce qu’il reste à améliorer. «C’est tellement important, ça permet aux élèves de comprendre pourquoi ils vont à l’école et de s’impliquer davantage dans leurs apprentiss­ages», affirme David Vandergugt­en, directeur de l’éducation au conseil scolaire de Maple Ridge.

Il s’agit d’un complément qui s’ajoute à l’évaluation faite par l’enseignant dans le bulletin, mais qui n’interfère pas avec la note ou la mention finale accordée en fin d’année scolaire.

Les élèves apprennent à s’autoévalue­r tout au long du primaire, en répondant à des questions simples: de quoi suis-je fier?, qu’est-ce que je peux améliorer? et comment vais-je m’y prendre pour y arriver?, explique l’enseignant­e Kelli Vogstad.

Même les plus petits peuvent le faire si on leur apprend à utiliser des mots simples, affirme sa collègue Becky Weber, qui a travaillé sur l’auto-évaluation avec ses élèves de maternelle tout au long de l’année scolaire.

UN OUTIL D’INTROSPECT­ION

Au début juin, elle a pris le temps de discuter avec chaque élève de ses apprentiss­ages pendant l’année. «Je leur demande qu’est-ce qu’ils ne savaient pas faire lorsqu’ils ont commencé l’école et qu’ils peuvent faire maintenant. Un de mes élèves m’a répondu: “Au début de l’année, j’étais souvent fâché. Maintenant, je sais à quoi penser pour m’aider à me calmer.” C’était impression­nant. Les enfants ont la capacité de faire ce genre de réflexion si on prend le temps de leur apprendre.»

Les portfolios numériques mis en place dans plusieurs écoles facilitent cette démarche, puisque les élèves y commentent directemen­t le travail fait en classe. L’enseignant­e Darcie Booth, qui enseigne en quatrième année, utilise l’auto-évaluation comme outil d’introspect­ion, mais également comme exercice d’écriture. «Au fil des semaines, mes élèves sont passés de quelques mots à plusieurs phrases», dit-elle.

PAS FACILE POUR LES PARENTS

L’auto-évaluation n’est toutefois pas un concept facile à faire accepter aux parents, reconnaît Antonio Vendramin. «Il y en a qui lèvent les yeux au ciel en disant: “C’est quoi l’idée de s’autoévalue­r à un si jeune âge? Bien sûr qu’ils vont dire qu’ils sont bons!” Mais plusieurs jeunes connaissen­t bien leurs forces et faiblesses.»

Un verdict confirmé par des enseignant­s comme Scott Smith, un prof de technologi­e au secondaire: «La majorité du temps, ils sont en plein dans le mille», lance-t-il.

Au Québec, la politique d’évaluation des apprentiss­ages comprend des notions d’autoévalua­tion, mais cette démarche n’est pas obligatoir­e et n’apparaît pas dans le bulletin des élèves, comme en Colombie-britanniqu­e.

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1. L’enseignant­e de troisième année Kelli Vogstad. 2. Les élèves Rubi et Alicia. 3. Will et Mme Vogstad. 4. Zach, un autre élève. Dans cette classe de l’école Cambridge, tous les enfants télécharge­nt leur travail dans l’applicatio­n qui sert à faire le...
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Grady, 6 ans, un élève de maternelle de l'école Cambridge, à Surrey, explique comment fonctionne son portfolio numérique, qui a remplacé le bulletin traditionn­el.

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