Préoccupés par le fait qu’un juge finance des prêts privés
Deux spécialistes de l’éthique veulent être rassurés sur les activités du juge Del Negro
Deux spécialistes de l’éthique et de la gouvernance jugent «très préoccupant» le fait qu’un juge récemment nommé à la Cour du Québec soit encore impliqué dans le prêt privé.
Réagissant à l’article de notre Bureau d’enquête au sujet des activités financières du juge Manlio Del Negro, le président de l’institut sur la confiance dans les organisations, Donald Riendeau, a estimé que le public manque d’information à l’heure actuelle pour avoir une pleine confiance dans le juge.
«Le Conseil de la magistrature doit nous rassurer très clairement sur la nature des enquêtes qui ont été faites sur lui», a-t-il commenté.
L’éthicien souligne que le prêt privé est une activité légale, mais qui comporte d’importantes zones d’ombre.
«J’ai des clients dans la construction qui ont du mal à se faire accréditer par l’autorité des marchés financiers (AMF) parce qu’ils ont déjà fait affaire avec des prêteurs privés», a-t-il dit.
René Villemure, de son côté, président de l’institut québécois d’éthique appliquée, estime qu’il y a apparence de conflit d’intérêts dans la situation actuelle du juge. «En matière de justice, l’apparence est parfois aussi importante que la réalité», a-t-il dit.
Selon lui, il faut que le juge Del Negro mette un «mur de Chine» entre son entreprise de prêts et ses fonctions actuelles.
IL A PROMIS DE SE RETIRER
La Cour du Québec affirme que le juge Manlio Del Negro lui a promis qu’il se retirerait rapidement de ses activités de prêteur privé après sa nomination à la magistrature, le 27 mars dernier.
Dès sa première rencontre avec le juge en chef, le juge Del Negro a «confirmé son engagement à faire rapidement les démarches pour se retirer de ses activités commerciales», affirme la Cour, dans un communiqué transmis hier aux médias.
Hier, notre Bureau d’enquête révélait que Manlio Del Negro s’est effectivement retiré de la fiducie familiale qu’il détenait avec sa femme et qui effectuait des prêts, quelques jours après sa nomination.
Mais en date du 5 juin, il était encore créancier personnel dans quatre dossiers dont les garanties hypothécaires s’élèvent à 800 000 $, à des taux d’intérêt variant entre 6 et 12 %.
Celui qui lui doit de l’argent, Jean-françois Germain, nous a affirmé avoir «à coeur de lui rembourser ces sommes un jour».
PATIENCE
Dans son communiqué, la Cour explique qu’il faut être patient pour permettre à un juge de cesser ses activités commerciales, qui sont incompatibles avec sa nouvelle fonction.
«Consciente qu’il faut accorder un certain délai à chaque nouveau juge pour faire les démarches nécessaires à la transition entre sa situation antérieure et ses nouvelles fonctions, la Cour est satisfaite de celles entreprises par le juge Del Negro», indique-t-elle.
Depuis le 7 juin, notre Bureau d’enquête a demandé à la Cour du Québec si elle était au courant des activités de l’ex-avocat comme prêteur privé. La Cour avait choisi de ne pas répondre avant la publication de l’article.