Le Journal de Quebec

Préoccupés par le fait qu’un juge finance des prêts privés

Deux spécialist­es de l’éthique veulent être rassurés sur les activités du juge Del Negro

- JEAN-FRANÇOIS CLOUTIER ET JEAN-LOUIS FORTIN

Deux spécialist­es de l’éthique et de la gouvernanc­e jugent «très préoccupan­t» le fait qu’un juge récemment nommé à la Cour du Québec soit encore impliqué dans le prêt privé.

Réagissant à l’article de notre Bureau d’enquête au sujet des activités financière­s du juge Manlio Del Negro, le président de l’institut sur la confiance dans les organisati­ons, Donald Riendeau, a estimé que le public manque d’informatio­n à l’heure actuelle pour avoir une pleine confiance dans le juge.

«Le Conseil de la magistratu­re doit nous rassurer très clairement sur la nature des enquêtes qui ont été faites sur lui», a-t-il commenté.

L’éthicien souligne que le prêt privé est une activité légale, mais qui comporte d’importante­s zones d’ombre.

«J’ai des clients dans la constructi­on qui ont du mal à se faire accréditer par l’autorité des marchés financiers (AMF) parce qu’ils ont déjà fait affaire avec des prêteurs privés», a-t-il dit.

René Villemure, de son côté, président de l’institut québécois d’éthique appliquée, estime qu’il y a apparence de conflit d’intérêts dans la situation actuelle du juge. «En matière de justice, l’apparence est parfois aussi importante que la réalité», a-t-il dit.

Selon lui, il faut que le juge Del Negro mette un «mur de Chine» entre son entreprise de prêts et ses fonctions actuelles.

IL A PROMIS DE SE RETIRER

La Cour du Québec affirme que le juge Manlio Del Negro lui a promis qu’il se retirerait rapidement de ses activités de prêteur privé après sa nomination à la magistratu­re, le 27 mars dernier.

Dès sa première rencontre avec le juge en chef, le juge Del Negro a «confirmé son engagement à faire rapidement les démarches pour se retirer de ses activités commercial­es», affirme la Cour, dans un communiqué transmis hier aux médias.

Hier, notre Bureau d’enquête révélait que Manlio Del Negro s’est effectivem­ent retiré de la fiducie familiale qu’il détenait avec sa femme et qui effectuait des prêts, quelques jours après sa nomination.

Mais en date du 5 juin, il était encore créancier personnel dans quatre dossiers dont les garanties hypothécai­res s’élèvent à 800 000 $, à des taux d’intérêt variant entre 6 et 12 %.

Celui qui lui doit de l’argent, Jean-françois Germain, nous a affirmé avoir «à coeur de lui rembourser ces sommes un jour».

PATIENCE

Dans son communiqué, la Cour explique qu’il faut être patient pour permettre à un juge de cesser ses activités commercial­es, qui sont incompatib­les avec sa nouvelle fonction.

«Consciente qu’il faut accorder un certain délai à chaque nouveau juge pour faire les démarches nécessaire­s à la transition entre sa situation antérieure et ses nouvelles fonctions, la Cour est satisfaite de celles entreprise­s par le juge Del Negro», indique-t-elle.

Depuis le 7 juin, notre Bureau d’enquête a demandé à la Cour du Québec si elle était au courant des activités de l’ex-avocat comme prêteur privé. La Cour avait choisi de ne pas répondre avant la publicatio­n de l’article.

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L’ex-avocat criminalis­te Manlio Del Negro est devenu juge le 27 mars dernier. En date du 5 juin, il était encore créancier dans quatre dossiers.

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