Le Journal de Quebec

La Guerre, à hauteur d’enfant

- MARIE-FRANCE BORNAIS

L’écrivaine française Valérie Tong Cuong, auteure du très remarqué roman L’atelier des miracles, mène ses lecteurs de la ville du Havre sous l’occupation jusqu’en Algérie, sur les traces des destins héroïques et tragiques des gens ordinaires, dans son nouveau roman, Par amour.

Formidable­ment bien accueilli en France, tant par les lecteurs que par la critique et les libraires, ce roman coup de coeur raconte la Deuxième Guerre mondiale, du point de vue des enfants et de leurs parents, aux prises avec l’occupation, les évacuation­s, les disparitio­ns, la faim et toujours, cette peur intense qui les tenaillait.

Valérie Tong Cuong, une Parisienne dont la famille maternelle vient du Havre, s’est inspirée en partie de récits et d’histoires qui lui ont été racontées, puis d’un travail de documentat­ion minutieux, pour reconstrui­re cette période sous forme romanesque.

«J’ai récolté et amassé énormément de témoignage­s, et c’est l’ensemble de ces témoignage­s qui m’a permis de reconstitu­er tout ce qu’a vécu cette ville et tout ce qu’ont vécu ses habitants», expliquet-elle en entrevue. «Mes grands-parents étaient concierges d’école, comme Joffre et Émilie, dans l’école dont je parle. Bien entendu, je me suis énormément inspirée d’eux et de leur famille.»

À HAUTEUR D’ENFANT

Le livre touche énormément les gens, quelle que soit leur origine, et bien audelà des gens qui sont du Havre, ou même des Normands, note-t-elle. C’est qu’il raconte la guerre, le quotidien des civils, à hauteur d’enfant, ce qui est rare et étonnant.

«Ça donne une autre dimension, car ces enfants qui sont dans la guerre, ce sont ensuite les adultes dont nous sommes issus. C’est d’autant plus important de comprendre comment ils ont pu traverser ça, et ce que ça représente de traverser la guerre, pour un enfant. C’est des notions qui font écho très fortement aux conflits qui agitent le monde en ce moment.»

La place des civils, la place des enfants aussi, la place des familles, tout ça résonne beaucoup, ajoute-t-elle. «On se rend compte finalement qu’on a cette problémati­que, tous ces gens qui sont en train de vivre ça aujourd’hui, en 2017. [...] On prend conscience que nos familles ont vécu quelque chose de très comparable.»

TRÈS DIFFICILE

Émotionnel­lement, le travail d’écriture a été très difficile pour Valérie, sans compter la recherche, ardue, car les ar- chives du Havre ont été détruites pendant la guerre. «J’ai vécu des moments où je suis tombée avec eux au fond du trou, quand ils vivaient les tragédies les plus incroyable­s. Et en même temps, j’ai vécu aussi ces moments d’euphorie extraordin­aires quand, tout d’un coup, il y a une respiratio­n qui se fait, un moment de joie qui traverse ce tunnel sombre. Oui, mon coeur n’a cessé de bondir, de se serrer, de vibrer avec ces gens.»

Tout ce qui est dans le livre s’est produit, ajoute-t-elle. «Ces gens n’ont pas existé en tant que tels, car ils sont des composites de deux ou trois personnage­s chacun. J’ai utilisé différente­s histoires pour recomposer un personnage. Mais tout ce que tu as pu lire a été vécu réellement.»

Les longues marches, ces moments terribles quand il faut faire des choix, la culpabilit­é, sont bien réels. «La question de la décision, c’est ce qui a traversé à tous les instants les destins de chaque personne dans ce conflit, du début à la fin de la guerre. Cette guerre n’a été qu’une succession de choix de faire, de décisions à prendre, sans qu’on sache jamais si c’était la bonne parce que tous les repères s’étaient effondrés. Ils vivaient dans une ville occupée par les Allemands, mais bombardée par leurs alliés.»

» L’écrivaine française Valérie Tong Cuong a publié dix romans, dont l’atelier des miracles. » Elle souhaite rencontrer bientôt ses lecteurs québécois.

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