Le Journal de Quebec

L’espoir poignardé

- JOSEPH FACAL joseph.facal@quebecorme­dia.com

Imaginez que vous êtes un Saoudien enfermé dans une terrible prison du régime.

Vous ne savez pas ce qui vous attend. Vous n’avez aucun des droits que l’on tient pour acquis ici.

On vous accuse d’avoir eu le courage de critiquer un des régimes les plus brutaux et obscuranti­stes du monde.

Si le reste du monde ne se lève pas pour vous, vous n’existez plus. Vous êtes un mort-vivant.

Trump semble avoir une troublante fascinatio­n pour les despotes et les tyrans.

SILENCE

Vous apprenez que le président des États-unis, le supposé leader des démocratie­s et des États de droit, arrive en Arabie saoudite. Imaginez l’espérance. Soulèvera-t-il votre cas ? Dira-t-il un mot pour vous ?

Non, Donald Trump ne dira pas un mot, mais se réjouira lourdement, via Twitter, d’avoir vendu des armes à ce sinistre régime.

Mieux, quand Trump dit au roi Salman qu’il faut lutter ensemble contre le terrorisme, ce dernier lui dit qu’il est blanc comme neige et que le vrai promoteur du terrorisme, c’est le Qatar.

Instantané­ment, Trump fait sien ce point de vue. Désormais, tout est de la faute du Qatar. L’arabie saoudite est blanchie.

Comme le notait la revue britanniqu­e The Economist, il semble suffire d’une petite conversati­on avec Donald Trump pour qu’il adopte votre point de vue …si vous offrez des perspectiv­es d’affaires alléchante­s.

Évidemment, ces jasettes entre quatre yeux sont moins forçantes que d’écouter les longs briefings de vos services secrets qui pourraient vous expliquer ce que fait vraiment le régime saoudien.

En Turquie, un coup d’état a échoué.

L’homme fort du régime, Recep Erdogan, y a vu une superbe occasion de museler tous ses opposants.

Il a fait emprisonne­r plus de 100 000 personnes, dont la majorité n’a strictemen­t rien à voir avec le coup d’état.

Erdogan en profite pour se faire accorder encore plus de pouvoirs. Et Trump lui téléphone pour le féliciter.

Imaginez que vous êtes un de ces innocents emprisonné­s…

Vous vous souvenez de ces fabuleuses images de jeunes Égyptiens descendus dans la rue, lors du Printemps arabe, pour demander plus de liberté ?

Tout cela a fini par faire le jeu des militaires qui ont pris le pouvoir et gouvernent comme les militaires gouvernent toujours : avec subtilité et délicatess­e, n’est-ce pas ?

Trump, lui, se réjouit ouvertemen­t de la «sécurité très forte» qui semble maintenant prévaloir en Égypte.

FASCINATIO­N

Vous allez me dire qu’il ne faut pas être angélique et que les États-unis ont toujours pensé à leurs propres intérêts d’abord et avant tout.

C’est exact, mais comme le rappelait encore The Economist, a-t-on oublié que Ronald Reagan ne ratait jamais une occasion de pourfendre le régime soviétique et d’exiger la libération des dissidents emprisonné­s pour avoir osé penser par euxmêmes?

Trump semble avoir une troublante fascinatio­n pour les despotes et les tyrans.

Le message qu’il leur envoie, c’est qu’ils peuvent continuer à emprisonne­r et à torturer des innocents en toute impunité.

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