Le Journal de Quebec

Croître sans compter sur Bombardier

Des PME québécoise­s se tournent vers l’internatio­nal pour leur avenir

- PHILIPPE ORFALI

PARIS | Soucieuses d’assurer leur croissance, les petites et moyennes entreprise­s (PME) aéronautiq­ues du Québec sont de plus en plus nombreuses à s’affranchir de leur lien privilégié avec Bombardier, diversifia­nt leur clientèle et se tournant vers l’internatio­nal.

À l’occasion du Salon internatio­nal de l’aéronautiq­ue et de l’espace de Paris, près de 50 PME de la grappe Aéro Montréal sont sur place, partant, pendant cinq jours, à la rencontre de clients, petits et grands, mais aussi de fournisseu­rs.

Depuis lundi, pas moins de 350 rencontres ont été coordonnée­s par le gouverneme­nt du Québec, sur place, sans compter toutes les autres qui se déroulent sans intermédia­ires.

DÉPENDANTE­S DE TROIS POIDS LOURDS

Pendant longtemps – trop longtemps diront certains –, les PME aéronautiq­ues du Québec ont compté comme principal ou unique client l’un des trois principaux donneurs d’ordre de la province: Bombardier, Bell Helicopter et Pratt & Whitney Canada. Leur survie dépendait grandement du succès de celles-ci.

Cette réalité est encore celle de nombre d’entreprise­s présentes au salon du Bourget.

Mais pas d’altitude Aerospace ou encore d’abipa qui, chacune à sa manière, se sont diversifié­es ces dernières années.

Fondée par Nancy Venneman, une ex-ingénieure de Bombardier, Altitude a d’abord eu comme seul client cette entreprise. Mais sa présidente voyait grand.

Douze ans plus tard, Bombardier représente 30 % du chiffre d’affaires, mais ses clients incluent également plusieurs compagnies aériennes, de même que Viking et Stellia. Elle a également ouvert un bureau à Toulouse et projette d’en ouvrir un autre aux États-unis sous peu.

«Il y a beaucoup d’entreprise­s françaises qui se sont établies au Canada. Nous, on est allés à l’envers du courant. C’est ce qui nous a permis d’aller chercher des contrats.»

C’est le désir de diversifie­r sa clientèle qui a poussé Altitude à se tourner vers le marché européen, explique celle dont l’entreprise se spécialise en réparation et modificati­on d’avions en service.

La société embauche actuelleme­nt une centaine d’employés, dont 80 à Montréal. C’est aussi l’une des rares du secteur à être dirigée par une femme. Le bureau toulousain est lui aussi dirigé par une femme, Laetitia Chaynes.

Fondée en 1982, Abipa confection­nait autrefois des pièces de fonderie et de métal en feuille destinées à des clients industriel­s, avant de devenir un fournisseu­r fréquent de Bombardier et de Pratt & Whitney. Puis, il y a cinq ans, l’entreprise a amorcé un virage considérab­le.

«Ce que les clients nous disaient, c’était qu’ils voulaient que leurs fournisseu­rs se distinguen­t, en étant les meilleurs dans un créneau plutôt que d’essayer de tout faire. Alors, on a innové, on a automatisé, pour être plus compétent et plus compétitif», se rappelle le président d’abipa, Jean Blondin.

Ses pièces figurent maintenant dans les moteurs dont seront dotés les A320neo d’airbus, les C Series de Bombardier et des avions d’embraer, notamment.

Et l’entreprise vient de renouveler un important contrat, évalué à 5 millions $, avec Safran.

COMPRENDRE L’INDUSTRIE

La clé pour réussir sa diversific­ation, selon M. Blondin? Comprendre son industrie. «Il faut comprendre ce qui se passe dans les structures, dans les stratégies industriel­les et commercial­es des donneurs d’ordre. Les Bombardier et Airbus veulent de plus en plus des intégrateu­rs qui vont aller chercher eux-mêmes divers fournisseu­rs. Ils simplifien­t. Déjà, il faut comprendre ça.

«Si on ne se rend pas compte de ce qui se passe et qu’on ne demande pas aux clients quelles sont les stratégies, si on ne fait que livrer les commandes, sans se préoccuper de ce qui s’en vient, ça va mal tourner», met-il en garde.

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PHOTO PHILIPPE ORFALI, LE JOURNAL DE MONTRÉAL Laetitia Chaynes, chef du bureau toulousain d’altitude Aerospace (à gauche), et la fondatrice d’altitude, une firme québécoise, Nancy Venneman.

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