Le Journal de Quebec

Le coup était-il planifié ?

La tentative de meurtre d’un policier américain a eu lieu à une date bénie dans l’islam

- BENOIT PHILIE, VALÉRIE GONTHIER ET FRÉDÉRIQUE GIGUÈRE

Le Montréalai­s accusé d’avoir tenté d’assassiner un policier du Michigan aurait perpétré son attaque lors d’une journée fortement symbolique pour les musulmans, ce qui pourrait laisser croire qu’il avait planifié son coup.

Laylat Al-qadr, ou «nuit du destin», correspond à l’une des nuits de la fin du mois du ramadan. Il s’agit d’une date bénie dans l’islam en mémoire du moment où l’ange Gabriel aurait révélé le Coran au prophète Mahomet.

Cette année, ce moment tombait mercredi dernier, soit le jour où Amor Ftouhi est soupçonné d’avoir poignardé un policier dans le cou à l’aéroport de Flint, au Michigan, en criant «Allahou Akbar» (Allah est grand). Son geste aurait été motivé par sa «haine des États-unis», selon le FBI, qui juge l’affaire comme un acte terroriste.

«LE PLUS IMPORTANT»

«C’est le moment le plus important du ramadan, c’est donc très symbolique. Ce n’est qu’une hypothèse, mais comme il était aux États-unis depuis 5 jours avant de passer à l’acte, on peut croire qu’il y avait une planificat­ion», estime Herman Deparice-okomba, du Centre de prévention de la radicalisa­tion menant à la violence.

L’arrestatio­n du «loup solitaire» de 49 ans a surpris tout le monde dans son voisinage du quartier Saint-michel, où on décrit Ftouhi comme un père de famille cordial et sans histoire.

«Cet évènement vient nous rappeler qu’en matière de radicalisa­tion et de terrorisme, il n’y a pas de profil», insiste M. Okomba, soulignant que la plupart des attentats terroriste­s sont commis par des personnes âgées entre 17 et 30 ans.

«Tout le monde peut tomber dans la radicalisa­tion si les étoiles sont bien alignées», dit Jocelyn Bergeron, spécialist­e du processus de radicalisa­tion et professeur à l’université de New York à Abou Dabi.

«On sait qu’il avait une haine envers les États-unis et un sentiment d’injustice. Il suffit souvent d’un facteur pour que quelqu’un passe à l’acte», explique aussi M. Okomba, qui n’exclut pas les problèmes de santé mentale.

FOUILLE D’APPARTEMEN­T

C’est d’ailleurs là le défi des autorités : comprendre ce qui a mené Amor Ftouhi à se rendre à Flint, à se procurer un couteau et à cibler un policier de l’aéroport local.

Les policiers de la GRC, qui travaillen­t en étroite collaborat­ion avec le FBI, ont ainsi poursuivi leur enquête hier, notamment en fouillant une bonne quinzaine d’heures l’appartemen­t de la famille du suspect, rue Bélair. En après-midi, cinq policiers ont quitté l’endroit avec les mains remplies de sacs à poubelle, de documents, d’un bac et d’au moins un ordinateur.

Les recherches qui se poursuivro­nt des deux côtés de la frontière viseront à établir les récentes allées et venues d’amor Ftouhi. Il a passé la frontière le 16 juin, loué une voiture à New York et conduit jusqu’à Flint, une expédition de presque 11 heures de route.

Le FBI a demandé hier l’aide du public afin de reconstitu­er le trajet du suspect depuis son arrivée en sol américain.

Au cours des dernières années, ce dernier aurait multiplié les emplois pour subvenir aux besoins de sa femme et ses trois enfants. Ftouhi aurait notamment travaillé comme concierge, cuisinier et camionneur.

Joint hier en Tunisie, un homme qui dit être son beau-frère n’arrive pas à croire qu’amor Ftouhi ait pu commettre un tel geste. Il décrit le suspect comme une personne calme qui «s’occupe uniquement de ses affaires».

Selon lui, le père de famille qui est arrivé au Canada il y a une vingtaine d’années travaillai­t comme directeur d’école secondaire en Tunisie. Ftouhi a obtenu sa citoyennet­é canadienne il y a 10 ans, selon ce qui a été mentionné en cour.

Les musulmans du Québec doivent participer à la lutte contre le terrorisme, affirme le premier ministre Couillard dans la foulée de l’attentat de Flint, au Michigan.

Un Québécois d’origine tunisienne est soupçonné d’avoir tenté d’égorger un policier, mercredi, à l’aéroport de Flint, au Michigan. L’événement est traité comme un possible attentat terroriste.

«Malheureus­ement, on ne peut pas séparer ce type d’événement, le terrorisme, de l’islam en général», a commenté Philippe Couillard, en anglais, hier matin.

« Et je pense que le président Macron a ététrès éloquent à ce propos quand il s’est adressé à la communauté musulmane de France. Il leur a dit : c’est aussi votre responsabi­lité d’agir sur le front théologiqu­e, d’expliquer à vos gens que ça ne fait pas partie de la religion, que c’est contraire aux enseigneme­nts de la religion. Il y a une responsabi­lité double», estime le premier ministre.

PRÉCISIONS

En participan­t à un repas de rupture du jeûne mardi soir, le président français, Emmanuel Macron, a invité les représenta­nts de la communauté musulmane en France à mener le «combat» contre «le fanatisme et sa diffusion».

Quelques heures plus tard, le premier ministre a précisé ses propos en français. La communauté musulmane dénonce déjà les attentats, estime Philippe Couillard.

«J’entends régulièrem­ent des imams qui disent que ce n’est pas ça l’islam, mais il faut le dire très fortement, et surtout, entre eux également, à l’intérieur même de leurs débats religieux, théologiqu­es, dit-il. Il faut que ce soit dit très, très, très fortement.»

PAS D’ACCORD SUR TOUT

Par contre, le premier ministre ne reprend pas l’idée évoquée par Emmanuel Macron de former les imams en France, plutôt qu’à l’étranger. «Je pense qu’on ne veut pas, au Québec, que l’état se mêle directemen­t des religions», a-t-il fait valoir.

Au Forum musulman canadien, la porte-parole, Samah Jebbari, se dit «perplexe» face à la sortie de Philippe Couillard, puisque les communauté­s musulmanes dénoncent déjà les actes terroriste­s.

Toutefois, son organisme est prêt à en faire plus pour lutter contre la radicalisa­tion, dit-elle.

Bien que l’auteur de l’attentat à Flint soit Québécois, Philippe Couillard assure que le niveau de menace n’a pas été relevé au Québec.

Toutefois, le modus operandi des récents attentats (armes blanches, véhicules, etc.) complique la tâche des autorités. «Alors, c’est difficile de prétendre qu’on contrôle tous les risques», convient Philippe Couillard.

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Cinq policiers ont quitté l’appartemen­t du suspect avec les mains remplies de sacs, de documents et d’au moins un ordinateur. PHOTO AGENCE QMI, MAXIME DELAND
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Suspect AMOR FTOUHI
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PHOTO STEVENS LEBLANC Le ministre Jean D’amour, le premier ministre Philippe Couillard et la députée Veronyque Tremblay, hier, sur le fleuve Saint-laurent à bord du Louis-jolliet.
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