Pourquoi je ne fête rien
Une autre Saint-jean scotchée sur mon canapé à regarder le spectacle des plaines d’abraham. Jusqu’au moment où est apparu Éric Lapointe. Je me suis rabattue sur le combo Fox NEWS/CNN si divertissant depuis Trump.
Je ne peux pas piffer Éric Lapointe, sa voix, son image d’alcoolo bouffi savamment entretenue et la quincaillerie clinquante autour de son cou.
Il a du talent, il sait être émouvant, mais pour l’audace et l’innovation, on repassera. Il a commencé sa prestation avec Marie Stone, une chanson de 1994.
Il nous a servi un autre classique de la Saint-jean, Bobépine, en duo avec Marie Mai — que j’ai trouvée excellente en passant —, mais seigneur du Bon Dieu, cette chanson se trouvait sur l’album Le vieux show son sale de Plume Latraverse paru en 1975!
Les spectacles de la Saint-jean ont un petit côté «succès souvenir» agaçant. Je veux bien me souvenir, mais pourquoi faut-il toujours se souvenir de la même chose?
ADMIRATIVE PLUS QUE FIÈRE
Je me désole que la fête nationale, qui sera pour moi toujours la SaintJean — bien que je rêve qu’on en fasse la fête du Québec (ça éliminerait le quiproquo du «nous») — n’aille pas plus loin que des gros shows, des partys de rue, une «parade» et des drapeaux.
(Imaginons, par exemple, que des historiens prennent d’assaut les cafés de la ville, le 24 juin.)
Je déteste les drapeaux, même si celui du Québec est magnifique et que le nationalisme québécois ne porte pas d’horreurs en son sein. D’instinct, je n’aime pas les grandes manifestations nationalistes. Trop souvent dans l’histoire, elles ont été annonciatrices de catastrophes. Camus ne disait-il pas «j’aime trop mon pays pour être nationaliste»?
N’allez pas croire que mon désintérêt pour le 24 juin reflète une absence chez moi de fierté toute nationale. Ce que le Québec et les Québécois ont réalisé en quatre siècles, envers et contre tous, me laisse béate d’admiration. Nous savons être un grand peuple même si nous choisissons parfois de ne pas l’être.
HORS QUÉBEC
J’en veux aux souverainistes d’avoir fait disparaître le saint patron des Canadiens français pour imposer la fête nationale des Québécois, tournant ainsi le dos à un million de francophones hors Québec qui se définissent encore comme Canadiens français.
Pendant des années, on a eu l’impression que la fête nationale était devenue une grosse activité de promotion de l’indépendance du Québec. Heureusement, cette tendance s’est estompée, mais au lieu de célébrer leur projet, aujourd’hui les indépendantistes nous dépriment.
Tout va mal pour eux: l’option souverainiste agonise, le PQ agonise, le français agonise. Mathieu Bock-côté commence ainsi son excellent blogue du 24 juin: «Pour les souverainistes, rien ne va bien…» ajoutant néanmoins «il faut lutter ardemment contre la canadianisation mentale et identitaire des Québécois».
Alors, vous pensez que la «canadianisée» que je suis va célébrer le 150e du Canada? Non plus. Comme je l’expliquais à une journaliste de CBC, «mon Canada a 400 ans, pas 150 ans».
Quel casse-tête être de ce pays. Celui de votre choix…