Le Journal de Quebec

ENCORE PLUS D’ÉTUDIANTS MAUVAIS EN FRANÇAIS

Le nombre d’inscriptio­ns à des cours de rattrapage au collégial continue d’augmenter

- Daphnée Dion-viens l daphneedv

Les étudiants faibles en français sont toujours de plus en plus nombreux au cégep. Le nombre d’inscriptio­ns à des cours de mise à niveau a augmenté de 8 % l’an dernier.

Selon les derniers chiffres obtenus par une demande d’accès à l’informatio­n du Journal, 16 053 cégépiens étaient inscrits à un cours de rattrapage en français en 2015, comparativ­ement à 14 851 l’année précédente. Sur une période de dix ans, la hausse est de plus de 50 %, comme le rapportait Le Journal il y a deux ans.

Les modalités d’inscriptio­n à ces « cours de renforceme­nt » varient d’un collège à l’autre, explique Judith Laurier, directrice des communicat­ions à la Fédération des cégeps. Certains collèges y inscrivent les étudiants qui ont une moyenne générale faible au secondaire – 65 % et moins par exemple – alors que d’autres encouragen­t fortement les étudiants qui ont des difficulté­s en français à s’y inscrire.

Lorsqu’il s’agit d’adultes qui retournent aux études, certains établissem­ents font aussi passer des tests de français avant de déterminer si le cours de mise à niveau est requis.

ÉLÈVES À BESOINS PARTICULIE­RS

Cette augmentati­on constante du nombre d’inscriptio­ns aux cours de mise à niveau reste toutefois difficile à expliquer, affirme Mme Laurier. Par contre, cette dernière avance quelques hypothèses, à commencer par la hausse importante du nombre de cégépiens avec des besoins particulie­rs ou des troubles d’apprentiss­age, qui sont dix fois plus nombreux qu’il y a dix ans.

L’augmentati­on du nombre d’adultes qui retournent au cégep peut aussi faire partie de l’équation, tout comme l’importance grandissan­te que plusieurs cégeps accordent à la maîtrise du français, ajoute Mme Laurier.

UN EXAMEN « PASSOIRE »

De son côté, Érick Falardeau, professeur en didactique du français à l’université Laval, n’est pas étonné par ces chiffres. Ce dernier affirme que l’épreuve ministérie­lle de français en cinquième secondaire est « un peu une passoire », puisque la grille de correction est « assez laxiste ». « Les exigences au collégial sont nettement plus élevées qu’au secondaire », souligne-t-il.

À l’associatio­n québécoise des professeur­s de français (AQPF), on montre plutôt du doigt le nombre d’heures d’enseigneme­nt du français au secondaire. La multiplica­tion des programmes particulie­rs et des concentrat­ions a poussé plusieurs écoles à diminuer les heures consacrées à la maîtrise de la langue, affirme sa présidente, Marie-hélène Marcoux. « Si on diminue constammen­t le nombre d’heures, c’est sûr qu’il y a des répercussi­ons », affirme-t-elle.

Patrick Moreau, professeur de français au collège Ahuntsic, souligne quant à lui qu’il n’y a pas que les étudiants inscrits à ces cours de mise à niveau qui sont faibles en français. « Ça masque un peu les choses. L’inscriptio­n dans ces cours est souvent automatiqu­e, mais les étudiants qui sont dans les cours réguliers font aussi énormément de fautes. »

Des réactions « Je ne suis pas surprise, parce qu’il y a toujours autant d’élèves qui réussissen­t l’épreuve ministérie­lle de français en cinquième secondaire, mais ils la réussissen­t avec des notes plus basses. On diplôme autant d’élèves à la fin du secondaire, mais avec des résultats plus faibles. » — Marie-hélène Marcoux, présidente de l’associatio­n québécoise des professeur­s de français « Une des causes est l’absence de l’enseigneme­nt systématiq­ue de la grammaire et de l’orthograph­e au secondaire. Et comme les fautes n’empêchent pas les élèves de passer d’une année à l’autre, je crois que psychologi­quement, c’est tout à fait destructeu­r. » — Patrick Moreau, professeur de français au collège Ahuntsic « C’est un symptôme de notre société qui dévalorise la langue française. Ça appartient à tout le monde de la valoriser. Que nos étudiants soient moins bons, c’est peut-être juste le reflet de la moindre importance que l’on accorde à notre langue. » — Christian Bernier, professeur de français au cégep de l’outaouais « Souvent, les élèves arrivent au cégep et ils ne maîtrisent pas les notions d’organisati­on d’un texte ou l’argumentat­ion parce que les critères (de l’épreuve de français en cinquième secondaire) ne sont pas assez sévères pour le collégial. Même le seul critère qui peut les faire échouer, l’orthograph­e, est laxiste. » — Érick Falardeau, professeur en didactique du français à l’université Laval

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PHOTO FOTOLIA L’augmentati­on constante du nombre d’inscriptio­ns aux cours de mise à niveau en français reste difficile à expliquer, selon Judith Laurier, directrice des communicat­ions à la Fédération des cégeps.
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