Le plus meilleur pays du monde
«Le Canada est le plus meilleur pays du monde». Devenue légendaire, la formule née d’un français torturé est attribuée à Jean Chrétien. En cette veille de la fête du Canada, elle résume surtout à merveille une nouvelle fierté nationale de plus en plus décomplexée.
Enfin libérés de la «menace séparatiste», les Canadiens poussent un long soupir de soulagement. Dans le reste du pays, le déclin combiné du Parti québécois et de son option est salué avec joie.
Les psychodrames constitutionnels à la Meech sont chose du passé. Le «non» retentissant de Justin Trudeau à la modeste requête de Philippe Couillard d’en jaser discrètement le confirme pour une énième fois.
La question linguistique disparaît aussi du radar. Charcutée par les tribunaux, la loi 101 n’inquiète plus personne. Même le chef du PQ refuse de l’appliquer aux cégeps parce qu’il trouve ça trop «divisif» (sic). En même temps, François Legault et Gabriel Nadeau-dubois font de l’oeil à l’électorat anglophone.
Sorti de son long purgatoire post-scandale des commandites, le Parti libéral du Canada est de retour.
CANADA IS BACK!
Sorti de son long purgatoire post-scandale des commandites, le Parti libéral du Canada est de retour. Même au Québec, le premier ministre Justin Trudeau jouit d’une popularité spectaculaire. Incarnant la jeunesse et la légèreté heureuse, Justin Trudeau injecte une dose massive de Botox politique au pays.
Face à un président américain misogyne et xénophobe, le monde entier, semble-t-il, envie aux Canadiens leur jeune premier ministre féministe et défenseur redoutable de la diversité sous toutes ses formes.
Le chef caquiste et ex-souverainiste pressé, François Legault, succombe lui aussi aux charmes du Canada nouveau. Dans son bilan de fin de session, questionné par un journaliste anglophone, il s’est exclamé : « Canada is a great country! » (le Canada est un pays formidable). Et d’ajouter que la CAQ entend bien y «contribuer» de plus en plus.
SÉDUCTEUR
Le Canada étant de retour sur la scène internationale, son unifolié redevient une marque de commerce prisée. La feuille d’érable rouge pétant et la queue de castor goulûment sucrée rivalisent de popularité.
Au pays, le 150e anniversaire du Canada balaie tout sur son passage. Il éclipse le 150e du PLQ, le 50e de l’expo, le 375e de Montréal, le 40e de la loi 101 et surtout, il va sans dire, le 50e du «Vive le Québec libre» du général de Gaulle.
Fort du lent suicide du PQ et du décès consacré du fédéralisme renouvelé, sous Justin Trudeau, le Canada joue au «rassembleur». Comme son premier ministre, sexy, séducteur, élégant, raffiné, pas trop intello, souriant et ouvert, le pays se voit rajeunir à vue d’oeil. Dans son imaginaire collectif, le Canada prend de l’assurance.
La théorie des «deux peuples fondateurs» étant effacée de sa mémoire, le français reculant dans l’indifférence généralisée et le Québec se contentant d’un rôle mineur, l’identité nationale canadienne est maintenant libre de se définir sans avoir à se poser la sempiternelle question « What does Québec want? ».
Dit autrement, Justin Trudeau préside en fait à la concrétisation ultime du rêve de son père.