Le Journal de Quebec

L’ex-motard de 6 millions $

Il poursuit pour les faux témoignage­s à son endroit TONY DUGUAY

- ERIC THIBAULT

Une « magouille » de l’ex-enquêteur Benoit Roberge pour résoudre le meurtre d’un Hells Angel notoire risque de coûter très cher au SPVM et à la Ville de Montréal, en plus de rendre un ancien Rock Machine multimilli­onnaire.

Le Journal a appris que Tony Duguay, dont la condamnati­on pour le meurtre du Hells Normand « Biff » Hamel a été annulée par la Cour d’appel il y a six mois en raison du faux témoignage d’un délateur, vient d’intenter une poursuite de 6,5 millions $ contre la Ville de Montréal, son service de police, Benoit Roberge et un autre enquêteur, Jean-pierre Pelletier.

« FAUTES INTENTIONN­ELLES »

Duguay, qui avait été déclaré coupable de ce meurtre en 2006, est finalement sorti du pénitencie­r à sécurité maximale de Donnacona le soir du 14 décembre dernier, après que le plus haut tribunal de la province l’eut acquitté sous la recommanda­tion conjointe de la défense et de la Couronne.

L’ex-membre des Rock Machine attribue notamment sa détention injustifié­e aux « fautes intentionn­elles » des enquêteurs Roberge et Pelletier, qui auraient « obligé » le délateur Sylvain Beaudry à « mentir à la Cour » pour obtenir un verdict de culpabilit­é, selon des documents judiciaire­s.

Au procès, le délateur Beaudry a déclaré au jury que Duguay lui avait confié avoir tué « Biff » Hamel, abattu à Laval le 17 avril 2000, vers la fin de la guerre sanglante entre les Hells et les Rock Machine.

Il a ajouté des détails sur le meurtre en disant qu’ils provenaien­t de la bouche de l’accusé, afin de « rehausser » la crédibilit­é de son témoignage aux yeux du jury, selon la Cour d’appel.

Or, Beaudry avait plutôt appris certains de ces détails en lisant le rapport de l’autopsie pratiquée sur le corps de la victime, qui se trouvait sur un CD renfermant toute la preuve dans cette affaire et que les enquêteurs Roberge et Pelletier lui avaient préalablem­ent laissé « pour l’aider » à témoigner.

UNE « MARIONNETT­E »

Ce n’est qu’après l’arrestatio­n de Roberge pour avoir vendu des informatio­ns aux Hells Angels, en 2013, que le délateur Beaudry a fait volte-face et admis dans une déclaratio­n assermenté­e qu’il avait menti au procès de Duguay.

« [Beaudry] était sous l’emprise de Roberge et Pelletier. Selon sa propre expression, “il avait une main dans le cul pour faire la marionnett­e” et avait peur des représaill­es », allèguent des documents de cour fondés sur les aveux du délateur qui disait même craindre de « se faire tuer » par les deux enquêteurs s’il faisait « de quoi de travers ».

PRÈS DE 8 ANS POUR RIEN

Duguay réclame 6 557 000 $ aux défendeurs en dommages moraux, pécuniaire­s et punitifs. L’ex-motard de 44 ans avait été arrêté en 2002 dans l’opération Amigo, qui a sonné la fin des Rock Machine, et a été condamné pour complot, trafic de drogue et gangstéris­me.

Il aurait ensuite purgé sept ans et neuf mois de taule pour meurtre « même s’il n’était pas coupable », a dit au Journal l’une de ses avocates, Marie-josée Jobidon.

Quant à Benoit Roberge, il a recouvré sa liberté en mai dernier, après avoir purgé le tiers d’une peine de huit ans. En 2016, celui qu’on surnommait « la taupe du SPVM » avait admis qu’il avait « souvent traversé la ligne » de la légalité en 28 ans de carrière.

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