Le Journal de Quebec

L’art de savoir bien gérer son fric

- YVON yvon.pedneault@quebecorme­dia.com PEDNEAULT

On ne pourra jamais reprocher à Marc Bergevin de prendre des risques. D’avancer sur un fil de fer sans filet sous lui. On le répète, c’est un gambler.

À pareille date, l’an dernier, il échangeait P.K. Subban pour un vétéran défenseur de 31 ans, Shea Weber. «Nous recherchio­ns du leadership, nous l’obtenons», avait-il scandé.

Vrai. Mais, au Tennessee, on se tenait les côtes, on savourait pleinement l’arrivée d’un joueur explosif, capable de donner un peu plus de lustre à une attaque plutôt ordinaire. Cela a fonctionné pour Subban. Cela a fonctionné pour Weber bien qu’il ait disputé trois rondes de moins que Subban.

Mais voilà qu’un an plus tard, le Canadien doit revamper sa brigade défensive.

Nathan Beaulieu et Alexei Emelin ont changé d’adresse. Mikhail Sergachev, qui semblait avoir une place réservée au sein de la formation, va tester son talent à Tampa.

David Schlemko a été acquis des Golden Knights de Vegas. Un défenseur correct capable de prendre des minutes comme cinquième ou sixième défenseur. Pas plus.

Il n’est donc pas étonnant que le nom de Karl Alzner ait rapidement fait le tour au cours des derniers jours.

Âgé de 28 ans, il est costaud, bon patineur, ce n’est pas un spécialist­e de l’attaque et, pendant les dernières séries éliminatoi­res, lors des affronteme­nts contre Toronto et Pittsburgh, il a raté plusieurs matchs.

Et lorsqu’il a chaussé les patins, lors de ses quatre dernières présences avec les Capitals, il a joué en moyenne 10 minutes par rencontre.

D’accord, admettons qu’il ne pouvait jouer en pleine possession de tous ses moyens. Mais, on reconnaîtr­a aussi qu’il n’y a rien pour s’énerver.

LE PRIX À PAYER

Pourtant, quand on s’aventure sur le marché des joueurs autonomes sans restrictio­n, on perd souvent l’art de bien gérer son fric. On a une opportunit­é qui s’offre pour colmater une brèche sans perdre un seul patineur.

Par conséquent, il arrive que l’on analyse une situation avec moins de sagesse, qu’on se laisse hypnotiser par les conditions exigées pour améliorer l’équipe sans toucher au noyau de l’organisati­on. Quelle somme d’argent le Canadien devrait-il «cracher» pour attirer Alzner au Centre Bell, sachant très bien que les Leafs le courtisent ainsi que d’autres formations de la ligue?

Possibleme­nt entre cinq et six millions de dollars. Combien d’années au contrat exigera-t-il? Entre quatre et six ans, de préférence six ans.

Oups, ça représente de gros sous pour une organisati­on. Ça représente un investisse­ment majeur pour un défenseur ayant marqué 19 buts en 591 matchs dans la Ligue nationale.

À cet égard, et je sais que vous allez sursauter, mais Alexei Emelin à 4,1 M$ représenta­it une bonne affaire d’autant plus qu’il avait passé 52 matchs aux côtés de Shea Weber.

ET LE DOSSIER MARKOV?

Sauf que, dans les circonstan­ces actuelles, Alzner pourrait facilement se retrouver dans le top 4 du Canadien avec Weber, Jeff Petry et… Andreï Markov.

Un instant, Markov convoite une entente de deux ans pour un total de 12 M$. De prime abord, c’est justifié, considéran­t que Tomas Plekanec, 28 points l’an dernier, touche un tel salaire.

Mais l’embauche d’alzner, à gros prix, compromett­rait les négociatio­ns avec Markov.

On ne pourrait pas lui consentir un tel salaire. Et, d’ailleurs, même si je suis un fan de Markov, peut-on accorder 6 M$ par saison à un défenseur de 37 ans qui passera en moyenne 18 à 20 minutes par match?

Gérer son fric signifie prendre des décisions qui ne plaisent pas toujours.

Le départ possible d’alexander Radu- lov est un exemple. Jonathan Drouin vient de lui passer sous le nez avec un contrat de six ans, à raison de 6 M$ par saison.

Par ailleurs, cette attaque, on ne peut la négliger. On est loin d’avoir résolu les problèmes. Voilà pourquoi on s’interroge à savoir si Joe Thornton pourrait dépanner l’organisati­on. Après tout, n’était-il pas un maître passeur?

Si vous étiez Marc Bergevin, lui accorderie­z-vous un contrat de trois ans? Il a 38 ans, il a passableme­nt de millage dans le corps, il vient de subir une interventi­on à un genou et, l’an dernier, il a à peine franchi le cap des 50 points.

De plus, un contrat accordé à un joueur de 35 ans et plus comporte des clauses à faire peur. Ce contrat est respecté jusqu’au dernier dollar même si le joueur prend sa retraite avant la conclusion de l’entente. Sauf que la tentation est forte. Pourquoi?

PERDRE LA BOULE

Le Canadien est toujours à la recherche d’un joueur de centre de fort calibre et, parmi les joueurs autonomes sans restrictio­n, Thornton est le plus attrayant. Il y a de quoi réfléchir.

Toutefois, le tableau des effectifs ramène à la réalité. Carey Price veut gagner la Lotto-max sans acheter de billet… mais en passant par le Canadien et Bergevin. Max Pacioretty va vouloir récupérer les années passées en étant l’aubaine par excellence de la ligue.

Mais Plekanec va libérer la masse salariale à la fin de la présente saison. Voilà qui va donner plus de latitude à Bergevin.

Même si le produit n’est pas aussi reluisant que jadis, les premières semaines du marché des joueurs autonomes sans restrictio­n ne concordent aucunement avec le fameux Boxing Day.

Vous payez le plein prix et, si la demande est forte, il y aura un petit extra.

Et si vous vous retrouvez dans une ville où les impôts grugent plus de la moitié du salaire, ça devient parfois un prix prohibitif.

Mais la compétitio­n, la parité, l’impatience des propriétai­res qui veulent gagner à tout prix, font parfois perdre la boule.

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PHOTO D’ARCHIVES, LE JOURNAL DE MONTRÉAL Si Marc Bergevin embauche le défenseur autonome Karl Alzner à gros prix, on peut penser que cette décision compromett­rait les négociatio­ns avec Andreï Markov.
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