Vivre dans un microvillage
DESPINASSY | Après avoir roulé une douzaine de kilomètres dans la gravelle, on franchit une centaine de mètres sur l’asphalte avant de revenir sur le gravier. Pas le temps de cligner des yeux, vous avez déjà dépassé Despinassy.
Ce microvillage de 11 citoyens – mais aucun enfant – situé entre Amos et Lebel-sur-quévillon au nord de l’abitibi a pourtant jadis été très important.
Dans les années 1960, soit moins de 20 ans après sa création, quelque 1500 personnes vivaient sur ce territoire plus grand que Hong Kong. On y comptait alors trois magasins généraux, deux restaurants, une école, une station-service et un dépanneur, tous fermés depuis longtemps.
Le cimetière témoigne de cette lointaine prospérité, alors qu’on trouve en ce lieu plus de pierres tombales que d’habitants qui y restent.
Le village s’est vidé plus rapidement qu’il avait grossi, alors que plus de 99 % des citoyens ont choisi de partir. Dans les années 1970, les agriculteurs ont fui pour aller travailler dans les mines du sud ou de la Baie-james au nord. Il faut dire que le gouvernement donnait de l’argent pour que les gens partent.
DES REGRETS
Mais pour ceux qui ont résisté aux subventions pour fermer le village et à l’argent qui pleuvait au nord et au sud, cette décision a sans doute été l’une des meilleures de leur vie.
Selon un des derniers « Gaulois », Daniel Morin, plusieurs personnes ont regretté leur départ. « Plusieurs parents, à cette époque, ne voulaient pas que leurs enfants restent ici. Pour eux, la réussite de leurs enfants passait par un départ vers Val-d’or ou Amos. Aujourd’hui, on voit un nouveau mouvement de retour à la terre, mais toute la forêt et les terres appartiennent au gouvernement », a raconté Daniel Morin, qui est né et qui jure qu’il va mourir à Despinassy.
On parle du village de Despinassy, mais dans les faits, il s’agit d’un territoire non organisé géré par la MRC d’abitibi.
RIEN À VENDRE
Depuis que les colons sont partis, tout le territoire ou presque a été cédé à la MRC d’abitibi, qui y exploite les forêts en engageant des entrepreneurs de l’extérieur du village.
Mais selon les habitants qui y demeurent, plusieurs personnes voudraient s’y établir à nouveau si des terrains étaient disponibles.
« Mes enfants voudraient acheter des lots ici, mais c’est impossible, il n’y en a pas à vendre. Tout ce qu’ils pourraient faire serait de louer des terres publiques pour un camp de chasse. Ils ont grandi à Despinassy et y reviennent chaque fois qu’ils le peuvent », a raconté Suzon Plante.
Gaétan Constantineau est le dernier agriculteur à garder des animaux dans ce village né de l’agriculture. Pour lui, il s’agit du paradis sur terre.
« En ville, je virerais fou après trois jours. Mon voisin le plus proche est à deux miles et c’est parfait comme ça. Si je veux, je peux crier dehors le matin et ça ne dérange personne », a-t-il dit.