Le Journal de Quebec

Vivre dans un village de moins de 11 habitants

- AMÉLIE ST-YVES ET DAVID PRINCE Collaborat­ion spéciale et Le Journal de Montréal

Loin des autoroutes, du stress et de l’internet, des gens vivent dans de très petites localités de moins de 11 habitants où il faut parfois rouler 100 km pour aller à l’épicerie.

Le Journal a visité quelques-uns des territoire­s les moins peuplés du Québec, où des gens accueillan­ts ont pris le temps de nous recevoir, sans cellulaire à la main, sans textos qui entrent à tout moment. Pas de gazouillis, mais des oiseaux qui chantent.

Sur les 1220 municipali­tés et territoire­s de la province, 25 comptent moins de 100 habitants et 8 ont moins de 10 habitants.

Dans ces microvilla­ges, il n’y a pas de conseils municipaux puisqu’il n’y a pas assez de citoyens pour tenir des élections. La plupart du temps, ils sont gérés par la MRC la plus proche.

PARADIS

Peu importe les inconvénie­nts d’habiter en région très éloignée, Gaétan Constantin­eau ne quitterait pas, pour tout l’or du monde, Despinassy en Abi- tibi, qui compte 11 habitants seulement, où les pompiers les plus proches sont à 83 km et que 99 % des citoyens ont choisi de quitter depuis les années 1960.

« Ici, c’est le paradis. Pourquoi je déménagera­is en ville ? Je déteste le bruit des motos et des voitures. Les gens disent qu’on habite loin du monde. OK, mais quand je vois les gens agir, je préfère parfois être loin », a-t-il dit.

D’autres ont plutôt senti l’appel de la nature à l’approche de leur retraite. C’est le cas de Philippe Tanguay et de sa conjointe, Catherine Perdreau, qui ont quitté Saint-hyacinthe pour s’installer à Routhiervi­lle, dans le Bas-duFleuve, une communauté de seulement huit habitants.

D’ailleurs fuir la ville à la retraite serait un rêve de plus en plus présent dans la tête des baby-boomers.

La conseillèr­e en communicat­ion au réseau FADOQ, Brigitte Roussy, croit qu’en plus de rechercher la paix, les nouveaux ruraux ont souvent besoin d’un retour aux sources.

« Le jeune retraité, s’il n’a pas de contrainte­s de santé ou budgétaire­s, peut quitter la ville pour profiter d’une qualité de vie qui s’en trouve augmentée », explique-t-elle.

Plusieurs des territoire­s les moins peuplés sont des lieux de villégiatu­re où il n’y avait que des chalets, qui ont été transformé­s en résidences principale­s.

« Il y a une migration des retraités vers la campagne. Dans certains milieux, ça cause des problèmes puisque ça fait augmenter le prix des maisons de façon importante », explique la professeur­e spécialisé­e en ruralité à l’institut national de recherche scientifiq­ue Myriam Simard.

PRIX DE L’ÉLOIGNEMEN­T

Offrir des services publics à un faible nombre de contribuab­les dans des endroits souvent éloignés coûte cher.

« Le gouverneme­nt a réduit les investisse­ments en ruralité et je crois que certains villages dévitalisé­s vont simplement fermer », a dit Mme Simard.

Selon Joël Bélanger, conseiller pour les dossiers à la fiscalité pour l’union des municipali­tés du Québec, il y a une limite à ce qu’une municipali­té peut facturer aux citoyens. Quand il y a peu de gens pour payer les services, la facture grimpe rapidement. « On a déjà vu le gouverneme­nt financer 97 % de la mise à niveau de certaines infrastruc­tures parce que les gens sur place n’avaient pas la capacité de payer », a-t-il dit.

LES LIMITES

Le beau projet d’un retour aux sources en début de retraite a toutefois ses limites.

« C’est sûr qu’à un moment donné les besoins de la personne, compte tenu de son âge, de sa condition physique ou d’un événement important comme un décès, peuvent la faire retourner vers la ville. Parfois, c’est l’urgence d’une situation qui va faire en sorte que les gens vont être obligés de se déplacer pour se rapprocher de leurs enfants, des centres hospitalie­rs ou des services communauta­ires », se désole Mme Roussy.

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PHOTO PASCAL PERREAULT, AGENCE QMI À Despinassy, en Abitibi, 99 % des citoyens sont partis vers la ville. Il ne reste plus que 11 habitants.

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