Le Journal de Quebec

Priorité aux Premières Nations

- LISE RAVARY lise.ravary@quebecorme­dia.com

C’est peut-être à cause du 150e, mais une nouvelle conscience des drames humains au coeur de la question autochtone a émergé depuis la Commission vérité et réconcilia­tion sur les pensionnat­s où les petits « Indiens » étaient envoyés, de force, laver le péché originel de ne pas être nés blancs.

Mon coeur et ma tête s’entrechoqu­ent quand je pense aux dilemmes des Premières Nations.

Nos relations ne seront jamais simples et faciles. Elles rappellent, en moins dramatique, la tension qui persiste entre le Canada français et le Canada anglais : alliés oui, amis même, mais il faut plus que quelques siècles, ou même qu’un nouvel arrangemen­t constituti­onnel pour faire oublier à un peuple qu’il a un jour été conquis et dépossédé.

Tous ne vivent pas l’injure de la même façon. Il faut reconnaîtr­e que certaines bandes ont développé une culture victimaire pour justifier des attentes irréaliste­s. D’autres acceptent de collaborer à condition d’être traités en égaux. Et ils ont un pif d’enfer pour détecter le mépris derrière les sourires hypocrites.

Les activistes qui ont monté un tipi devant le Parlement réclament l’abolition de la Loi sur les Indiens.

PRISON OU PROTECTION ?

En 1876, avec la Loi sur Indiens, le Canada a enfermé les Autochtone­s dans des réserves « mises de côté par Sa Majesté à l’usage et au profit des bandes respective­s… » Il en existe 634 au Canada, certaines proches des villes, comme Kanesatake et Kahnawake, qui s’en sortent mieux que les réserves isolées du nord de l’ontario ou de la Colombie-britanniqu­e.

Mais leur maison et leur terrain ne leur appartienn­ent pas plus.

Près d’une centaine de ces réserves isolées n’ont pas accès à de l’eau potable, en partie une réalité nordique. J’ai une amie proche, une blanche, qui est partie défricher un coin de terre au nord de l’ontario, au bord de la baie James. Comme ses voisins autochtone­s, elle n’a pas d’eau potable ni de robinet.

Jusqu’où le gouverneme­nt doit-il aller pour amener les commodités de la vie moderne là où vivent très peu de gens, où une économie autre que de subsistanc­e est impensable, d’où les jeunes doivent s’exiler pour étudier, où ceux qui restent vivent dans des conditions inhumaines ?

Est-il réaliste, et surtout bénéfique, de subvention­ner ad vitam æternam un mode de vie traditionn­el, mais archaïque au nom de la continuité culturelle ?

Les activistes qui ont monté un tipi devant le Parlement réclament l’abolition de la Loi sur les Indiens. Pour la remplacer par quoi ? Un pont d’or vers l’assimilati­on ? Les Premières Nations sont divisées sur la question.

PAS DE SOLUTION SIMPLE

On peut les parquer en ville, là où tant d’autochtone­s vont pour perdre leur chemin et leur âme, mais je ne suis pas certaine qu’ils accepterai­ent d’échanger leur mode de vie, leurs territoire­s de chasse et de pêche, les sépultures de leurs ancêtres pour le privilège de vivre dans un 4 ½ sur Bellechass­e et passer 20 heures à l’urgence quand ils ont mal au ventre.

Même si le Canada transforma­it chaque réserve en une petite ville proprette et moderne, cela ne changerait rien au rapport infantilis­ant que nous entretenon­s avec les Premières Nations.

Pour enfin négocier de nations à nation, il faudra un jour briser les chaînes de la dépendance.

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