Le prix du marché, mais...
Marc Bergevin aime défier la logique.
Depuis son arrivée à Montréal, il a pris des décisions qui ont fait sursauter.
Parfois, on a l’impression qu’il joue à la roulette russe. Non pas que la somme de 84 millions de dollars consentie à Carey Price est injustifiée. Il aurait sans doute obtenu son prix dans une autre ville. Dans le hockey d’aujourd’hui, c’est le prix à payer pour un joueur de concession.
Jonathan Toews et Patrick Kane ont décroché le gros lot à Chicago. Même chose pour Anze Kopitar à Los Angeles.
Sidney Crosby et Evgeni Malkin touchent des salaires très élevés à Pittsburgh.
Par contre, qu’ont en commun ces joueurs de concession? Ils ont tous gagné la Coupe Stanley.
Autre point important : ils ont signé des ententes de plusieurs saisons à l’âge de 27, 28 ou 29 ans. Le gardien du Canadien aura 31 ans en août 2018, quand la nouvelle entente entrera en vigueur.
Par conséquent, on peut se poser la question à savoir s’il sera un gardien dominant à la cinquième année du contrat. Il aura alors 36 ans.
«Dans un monde idéal, je le reconnais, on aurait donné moins d’argent. Par contre, Carey est un gardien exceptionnel et je suis persuadé qu’il sera à la hauteur», affirme Bergevin.
SOIXANTE-DEUX MATCHS L’AN DERNIER
Autre élément à retenir : combien de matchs disputera-t-il au cours des prochaines saisons? Je ne pense pas aux blessures, mais bien au calendrier de 82 matchs. Disputera-t-il 55 rencontres, 60 rencontres? Ira-t-on jusqu’à 65 matchs? L’an dernier, il a participé à 62 matchs.
Pekka Rinne, des Predators, qui gagne 7 M$ par saison, a joué 61 matchs. Henrik Lundqvist, des Rangers, âgé de 35 ans, le plus haut salarié chez les gardiens à 8,5 M$, a joué 57 matchs, mais au moins cinq fois, il a été remplacé par le gardien auxiliaire.
Price pourra-t-il maintenir un rythme entre 60 et 65 matchs par saison? Et quand arriveront les séries éliminatoires, saura-t-il guider son équipe sur un parcours sinueux? Jusqu’à présent, les résultats ne sont pas très concluants… et son équipe s’est-elle améliorée? Remplacer Alexander Radulov par Jonathan Drouin, c’est correct, mais est-ce suffisant? Non !
…ET LA COUPE?
Je vous précisais que les joueurs ayant remporté le championnat sont passés à la caisse et c’était à prévoir. Cependant, avant d’atteindre le sommet de l’échelle salariale, leurs formations respectives pouvaient composer avec moins de contraintes quant aux exigences du plafond salarial.
Les Blackhawks ont été éliminés au premier tour lors des deux dernières saisons. Les Kings sont en panne. Les Penguins ont sauvé les meubles en raison de l’excellence du système de développement. Sans oublier que l’autre joueur de 10 M$ ou presque, Alexander Ovechkin, a de nouveau fait chou blanc cette année dans sa tentative de gagner la Coupe Stanley.
Or, le Canadien possède-t-il les effectifs pour terminer bon premier dans le cadre du tournoi printanier? On doit entretenir de sérieux doutes. Comment parviendra-t-on à regrouper les éléments requis avec des moyens financiers réduits. Bergevin a effleuré le sujet, hier. Le contrat de Price l’obligera à la plus grande prudence.
De combien d’argent disposera-t-il pour la saison 2018-2019, quand Price disputera la première année de son entente? Près de 22 M$ pour embaucher une dizaine de joueurs. Et c’est sans tenir compte des contrats que pourraient signer Alex Galchenyuk, Alexander Radulov et Andrei Markov.
DE LOURDES CONSÉQUENCES
D’ailleurs, les conséquences d’un contrat aussi imposant que celui accordé à Price influencent déjà Bergevin dans ses pourparlers avec Radulov et Markov.
«À nos conditions, nous aurions des chances de les garder à Montréal. À leurs conditions, c’est impossible.»
Cependant, on sent chez Bergevin une certaine frustration relativement au dossier de Radulov. Il cache très mal ses états d’âme. Il y a un an, personne ne voulait de Radulov, sauf Bergevin.
Mais, les affaires sont les affaires et le système du sport professionnel élimine la loyauté.
Les propriétaires du Canadien ont récompensé leur joueur de concession. Et peut-on contester l’impact qu’exerce le gardien au sein de sa formation? Pas du tout.
Par contre, un contrat de 84 M$ réparti sur huit ans constitue un gros risque, surtout dans le cas d’un gardien qui célébrera son 31e anniversaire en août 2018.
Non seulement continuera-t-il d’exercer un impact majeur sur la surface de jeu, mais aussi dans la gestion quotidienne de l’entreprise et dans les décisions sur les effectifs.