DES PLAIES TOUJOURS VIVES
10 ans après l'arrivée de nos militaires en Afghanistan
La vie de Dolores Crampton s’est littéralement arrêtée lorsqu’elle a appris la mort de son copain militaire Nicolas R. Beauchamp. Sans l’oublier, elle a maintenant pris un nouveau départ et attend aujourd’hui, un enfant.
Technicienne médicale militaire comme son copain de l’époque, Dolores Crampton était à quelques kilomètres de Nicolas Beauchamp lorsqu’il est décédé sur une bombe artisanale à Ma’sum Ghar. Cette dernière venait de terminer son quart de travail à l’hôpital de l’aéroport de Kandahar.
« Le lendemain, ça a cogné à ma porte. Quand j’ai ouvert la porte, il y avait une ligne de personnes, le commandant, la travailleuse sociale, etc. Là, je savais que Nick avait eu de quoi », raconte Dolores. « Isolée » en Afghanistan, loin de ses proches et amis, la militaire a trouvé les premiers jours très difficiles.
Rapatriée avec le corps du caporal Nicolas Beauchamp, Dolores a été moralement affectée pendant plusieurs mois et a même été forcée d’arrêter de travailler dans le domaine médical. « J’ai demandé un changement de métier parce que c’était trop dur, le médical », raconte celle qui est devenue photographe pour l’armée après avoir soigné son choc post-traumatique.
NOUVEAU CONJOINT
C’est grâce à cet emploi que sa vie a pris une nouvelle voie avec un conjoint également militaire. « Il a vécu les mêmes choses que moi. Les deux on sait c’est quoi être déployés, être séparés longtemps et perdre du monde », explique Dolores.
Et comme quoi la vie reprend ses droits, Dolores est maintenant enceinte de cinq mois. « J’ai toujours rêvé d’avoir des enfants, mais je voulais être certaine d’être bien, et aujourd’hui c’est le cas ». Ce nouveau conjoint a aussi su laisser une place pour Nicolas dans le coeur de Dolores. Une peinture du défunt se trouve d’ailleurs dans leur demeure.
Il y a 10 ans, à l’été 2007, les militaires québécois du Royal 22e Régiment entamaient l’une des missions les plus périlleuses depuis la Deuxième Guerre mondiale, le déploiement de quelques 2400 militaires à Kandahar, bastion taliban. Une décennie plus tard, cette mission marque toujours ceux et celles qui y ont participé.
« La guerre était à un de ses moments les plus durs », rappellent les militaires de Valcartier. La population n’a quant à elle pas tardé à être happée par la dure réalité de cette guerre.
Ainsi, quelques semaines seulement après le début du déploiement, l’annonce de la mort d’un soldat de seulement 23 ans, Simon Longtin, tué par un engin explosif improvisé a créé une onde de choc au Québec. Les mauvaises nouvelles en provenance d’afghanistan se sont ensuite poursuives, alors que 10 militaires ont perdu la vie au cours de cette première rotation de Valcartier.
Et c’était sans compter les 13 autres décès pour la rotation suivante de 2008-2009. De plus, les bombes artisanales, devenues la véritable hantise de nos militaires, ont aussi fait beaucoup de blessés.
LONGUE MISSION
Cette longue mission afghane, qui s’est étirée de janvier 2002 à juillet 2011, a été lourde en coûts humains, sociaux et économiques, mais plusieurs se questionnent aujourd’hui sur les résultats. Si les militaires toujours à l’emploi des Forces estiment avoir « fait une différence localement », d’autres sont beaucoup plus sceptiques, voire critiques.
« On a eu très peu de résultats durables, mais ce n’est pas la faute de nos militaires qui, de façon vaillante et courageuse, ont accompli un travail extraordinaire », juge le colonel à la retraite Michel Drapeau.
Pourtant ce sont eux qui ont le plus perdu. « Je ne pense pas que les militaires faisaient ce sacrifice de manière consciente. Ils ne savaient pas qu’ils mettaient leur santé psychologique autant à risque que ça. Je ne pense pas qu’on peut s’imaginer ça », estime le Dr Édouard Auger, chef médical de la Clinique TSO de Québec, qui traite les militaires en choc post-traumatique.
UNE VIE APRÈS
Reste que ce n’est pas la majorité des militaires qui sont revenus malades de cette mission historique. C’est le cas du capitaine Simon Mailloux qui, malgré une amputation à la suite d’une explosion en 2007, est retourné pour une autre rotation en 2009 (voir autre texte).
Quant à ceux qui restent, ils ont refait leur vie depuis 10 ans, mais ils se rappellent du sacrifice de leurs proches bien au-delà du jour du Souvenir.