Le Journal de Quebec

DÉTRUIT PAR LA GUERRE

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L’horreur de la guerre, le sergent Stéphane Charbonnea­u en a vu les abîmes lui qui était chargé d’aller chercher les dépouilles de ses frères d’armes après chaque attaque. Dix ans plus tard, le père de famille paye toutefois de ses sacrifices, lui qui est invalide à 41 ans.

Quoi de plus chaotique qu’une scène où une attaque mortelle vient de survenir alors que l’ennemie rôde, invisible. C’est pourtant à ce moment précis que le peloton du sergent Charbonnea­u intervenai­t.

« J’étais responsabl­e de ramasser les corps des militaires qui étaient décédés », explique celui qui est intervenu pour plus d’une dizaine de militaires de Valcartier. « C’est moi qui les ai tous faits », raconte-t-il avec difficulté.

PERTURBÉ À JAMAIS

« On allait chercher le corps, on l’escortait jusqu’à Kandahar pour ensuite pouvoir reconstitu­er avec le coroner ce qui était arrivé », explique-t-il. Par la suite, le sergent assistait à la cérémonie de départ et prenait le corps en charge jusqu’à Dubaï.

La première rotation des militaires de Valcartier à Kandahar, appelé dans le jargon, la 307, a donc été difficile pour Stéphane Charbonnea­u. Trop difficile. « C’est la mission qui m’a affecté le plus. […] Depuis ce temps-là, j’ai toujours l’odeur des morts dans le nez. Faire du BBQ l’été je ne suis pas capable, c’est dégueulass­e ».

Blessé psychologi­quement, le militaire a aussi écopé physiqueme­nt lors d’une attaque talibane. Sautant dans un aéronef afin de se sauver de l’ennemi, le sergent a été projeté au plafond lors du décollage, ce qui lui a provoqué deux hernies discales insupporta­bles dix ans plus tard.

« Je ne suis plus capable de rester debout ou assis plus de 15 minutes. Ça fait comme un coup de couteau qu’on me plante dans le bas du dos », explique-t-il.

Mais la « machine » Charbonnea­u n’en avait rien à faire à l’époque et malgré les terreurs nocturnes quotidienn­es et ses blessures, il est reparti pour la guerre en 2009.

PAYER LE PRIX

« Je le traînais depuis longtemps mon choc post-traumatiqu­e, mais je le cachais derrière un sourire. Moi, j’allais tout le temps bien, j’étais un Superman », avoue celui qui est sorti des forces en 2017. Aujourd’hui invalide à seulement 41 ans, Stéphane Charbonnea­u se pose beaucoup de questions sur son avenir.

« Je ne suis plus fonctionne­l. Je vais faire quoi dans la vie ? Je ne suis même pas capable d’aller en public parce que je fais de l’anxiété et je fais des crises de panique », racontet-il. « À voir l’envers de la médaille et où est rendue ma vie à 41 ans, ça n’en valait pas la peine », tranche le retraité.

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