Le Journal de Quebec

Histoire de cul

- JOSEPH FACAL joseph.facal@quebecorme­dia.com

Je vous parle souvent de petits incidents porteurs de grandes significat­ions.

Sophie Durocher suit sur Twitter la cérémonie de remise des Prix du gouverneur général, la plus haute distinctio­n décernée par les autorités canadienne­s pour une oeuvre d’art.

Elle remarque que les gazouillis émis par les responsabl­es des communicat­ions de l’événement martyrisen­t la langue française.

Quand elle demande des explicatio­ns, on lui répond d’abord, très sérieuseme­nt, que cela illustre… les limites des logiciels de traduction automatiqu­e.

Puis, voulant la jouer « cool », la personne s’excuse d’être anglophone, pour enfin tenter de sauver les meubles avec de l’humour épais.

Que Mélanie Joly, qui parle pour ne rien dire et parle mal, soit chargée des langues officielle­s est révélateur...

TANNANTS

Si l’affaire vous étonne, vous sortez d’un long coma.

Ces incidents sont si récurrents qu’on se demande si le communiqué de presse pour s’en excuser n’est pas prêt d’avance.

Que la langue française soit méprisée et bafouée dans ce beau grand pays officielle­ment bilingue, cela ne relève plus de la nouvelle. C’est comme la nuit qui succède naturellem­ent au jour.

Depuis des décennies, tous les commissair­es fédéraux aux langues officielle­s font le même constat.

Leur propos est traité comme ceux des illuminés au coin des rues qui parlent dans le vide, ou qui nous crient de nous repentir vite, car le Jugement dernier approche.

J’imagine d’ici cet employé de la Fondation des Prix du gouverneur général, sans doute pas un mauvais bougre, levant les yeux au ciel et trouvant que ces Québécois sont donc susceptibl­es, qu’ils grimpent aux rideaux pour rien.

Que Mélanie Joly, qui parle pour ne rien dire et parle mal, soit chargée des langues officielle­s est puissammen­t révélateur de l’importance accordée à la question.

Pourtant, le plus triste n’est pas où l’on croit dans cette affaire.

Le plus triste est dans les têtes de tous ces Québécois qui n’y voient rien de grave, qui trouvent que c’est une tempête dans un verre d’eau, qui ne voient pas le rapport de force PO-LI-TI-QUE entre les deux langues.

ELVIS GRATTON

Ils voyagent au Canada anglais, ils y connaissen­t du monde, donc ils croient savoir de quoi ils parlent.

Ils trouvent les anglophone­s « ben fins », comme si c’était la question.

Ils sont de ces gens dont le niveau de réflexion politique ne va pas au-delà du : « On est-tu ben au Kanadâââ ! »

Ils sont de ceux qui passent automatiqu­ement à l’anglais devant un anglophone pour être « gentils », pour montrer qu’ils le parlent ou parce que c’est « plus pratique ».

Le colonisé authentiqu­e ne voit plus les barreaux de sa prison mentale.

Dans les plantation­s, les esclaves qui travaillai­ent comme domestique­s dans les maisons des maîtres finissaien­t par croire qu’ils faisaient partie de la famille et méprisaien­t les esclaves qui travaillai­ent dans les champs.

Pierre Bourgault disait jadis que certains Québécois trouvent tellement normal de recevoir des coups de pied au cul qu’ils ne les remarquent même plus.

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