Justice médiévale
L’entente à l’amiable survenue entre le gouvernement du Canada et Omar Khadr en a fâché plus d’un.
« On donne de l’argent à un terroriste ! » « C’est un assassin ! » « Que fait-on de nos vétérans pendant ce temps ? » Autant de réactions qu’on a entendues.
Les gens qui tiennent ces propos n’ont pas l’air de se rendre compte qu’ils foulent au pied les valeurs que nous défendons dans notre lutte au terrorisme islamiste.
DEPUIS LE MOYEN ÂGE
Il existe une règle qui s’appelle l’habeas corpus, selon laquelle on ne peut détenir quelqu’un sans lui faire subir un procès. Cette protection, que nous possédons tous, est au centre de notre droit depuis 1215.
Quand j’étudiais le droit, nos profs nous disaient que c’est cette règle qui séparait les systèmes de justice du Moyen Âge.
Une autre règle nous éloigne de la barbarie. On ne peut punir quelqu’un de manière cruelle ou inhabituelle. Notre droit criminel vise la protection de la société et la réhabilitation des fautifs. Pas le défoulement par la violence.
C’est ce qui nous permet d’émettre un jugement critique sur d’autres pays qui punissent les gens en leur donnant des coups de fouet ou en leur coupant une main.
COMME DES BARBARES
Revenons à Khadr. Pendant 10 ans, notre gouvernement a toléré qu’il soit détenu, qu’il soit battu et torturé. On ne lui a pas octroyé les protections que les conventions internationales donnent aux combattants ennemis. Pour ne pas reconnaître qu’il s’agissait d’un enfant-soldat, recruté à neuf ans, on ne l’a même pas traité comme un soldat.
On a fini par lui offrir d’être jugé, mais à la condition expresse qu’il plaide coupable.
Et tout cela s’est déroulé dans l’indifférence des Canadiens, qui réélisaient les conservateurs pendant ce temps-là.
Bref, face à cet homme qu’on dit coupable de terrorisme, crime parmi les plus abjects, nous nous sommes comportés comme des barbares.
UNE CONCEPTION DE L’HUMAIN
On a entendu beaucoup de personnes rappeler que nos vétérans ne reçoivent pas un traitement aussi généreux que Khadr. C’est vrai et c’est inacceptable.
Mais justement. Entend-on souvent les électeurs réclamer de meilleurs services pour ceux qui ont porté l’uniforme ? Un peu comme les gens qui, face aux migrants, répondent qu’on devrait aider les nôtres d’abord. On ne les voit jamais manifester pour la lutte à la pauvreté.
À la fin, c’est ce qui fait notre grandeur. Ce qui nous donne la légitimité d’intervenir dans des conflits. C’est ce pour quoi nous nous battons. Pour protéger des droits, des libertés et une conception de l’être humain.
Ceux qui refusent à un citoyen ce que nous exigeons pour nous tous se trouvent en fait à militer pour une approche médiévale de la justice. Un peu comme les talibans.
Et si on pense toujours qu’on paye trop cher pour indemniser Omar Khadr, qu’on blâme les politiciens qui l’ont laissé moisir dans une prison américaine.