Il est primordial de fêter le pont de Québec
Des descendantes de travailleurs décédés assisteront aux célébrations du 100e anniversaire le 23 septembre
Deux descendantes d’ouvriers décédés sur le chantier du pont de Québec estiment qu’il est essentiel de souligner le 100e anniversaire de la structure pour que le sacrifice de leur ancêtre ne tombe pas dans l’oubli.
Le Journal a retrouvé Elizabeth Oldfield et Donna Kanerahtenhawi Jacobs, deux femmes dont l’histoire est intimement liée à celle du pont centenaire de Québec. Elles ont toutes deux un arrière-grand-père qui a péri lors de l’effondrement de la structure, en 1907. Il s’agit de John Edward Johnson et de Louis Albany.
Elizabeth Oldfield, qui habite à Buffalo, aux États-unis, raconte avec émotion que son arrière-grand-mère, Mary Elizabeth, alors enceinte, a assisté à la catastrophe qui a emporté son mari. « Elle avait l’habitude, quand il faisait beau, de préparer un pique-nique et d’emmener les enfants pour rejoindre son mari aux abords du pont. Elle a vu le pont s’effondrer. On n’a jamais retrouvé le corps de mon arrière-grand-père. »
LA POLITIQUE DE TRUMP
Pour Mme Oldfield, les célébrations du centenaire, qui seront organisées par les deux chambres de commerce en collaboration avec les Villes de Québec et de Lévis, sont une façon de rendre hommage aux dizaines de travailleurs qui ont perdu la vie sur le pont.
« C’est extrêmement important de le souligner. J’irai assurément, en septembre, ditelle. Parce que c’est une page de l’histoire nord-américaine. En ce moment, le président Trump allège la réglementation qui s’applique aux compagnies qui construisent des ponts afin de leur permettre de faire plus de profits au détriment des travailleurs. C’est une bonne façon de rappeler que cela peut avoir des conséquences catastrophiques. »
DEVOIR DE MÉMOIRE
Pour Donna Kanerahtenhawi Jacobs, c’est aussi l’occasion de rappeler l’héritage qu’ont laissé ces hommes. Membre de la communauté mohawk de Kahnawake, Louis Albany a péri comme 32 de ses compatriotes travailleurs de l’acier.
« C’est très émotionnel pour moi. C’est important de se souvenir qu’ils continuent aujourd’hui de nous inspirer. Il ne faut pas laisser leur mémoire mourir. Le savoir-faire continue d’être enseigné aujourd’hui à des jeunes de notre communauté », exprime Mme Kanerahtenhawi Jacobs, issue d’une lignée d’ouvriers spécialisés dans l’acier.
Elle aussi compte se déplacer à Québec pour assister aux célébrations en septembre.
Elizabeth Oldfield et Donna Kanerahtenhawi Jacobs ont toutes les deux sursauté en apprenant qu’il a bien failli n’y avoir aucune cérémonie pour souligner les 100 ans du pont. Le maire Régis Labeaume avait en effet confié au Journal, en avril, que Québec ne comptait pas souligner l’événement en raison de la mésentente avec le propriétaire, le CN.
Les deux descendantes se réjouissent que les choses aient tourné autrement. « La plupart des gens peuvent enterrer leurs proches à leur décès, dit Mme Oldfield. Notre famille n’a pas eu cette possibilité avec mon arrièregrand-père. Alors chaque occasion qui peut honorer sa mémoire est la bienvenue. »